« Gilets bleus »
« Gilets bleus »
Extraits / Synthèse de l’éditorial de la revue « Allemagne d’aujourd’hui »
Dans l’éditorial de l’actuel numéro de la revue « Allemagne d’aujourd’hui », Jérôme Vaillant, son rédacteur en chef, analyse les résultats électoraux en Saxe et dans le Brandebourg, où l’Alternative pour l’Allemagne (AFD) a remporté des résultats spectaculaires.
L’AFD s’y est présentée comme un parti « bürgerlich » pour passer pour un parti « présentable », tantôt comme l’héritier de la dissidence de 1989 en RDA (« der Osten steht auf »), sans toutefois abandonner ses airs de trublion qui rabat les cartes dans le paysage politique allemand.
Ces élections ont braqué une fois de plus les projecteurs sur l’Allemagne de l’Est et amené à se demander pourquoi l’extrême droite rencontrait un tel succès dans les Länder de l’ex RDA. Les médias reviennent constamment sur deux ou trois raisons majeures : le besoin de reconnaissance d’un électorat qui exprime ses frustrations, les inégalités sociales entre l’Est et l’Ouest ainsi que dans les territoires. Ce sont des ressorts semblables qui ont fait naître en France le mouvement des « gilets jaunes ». L’AFD a choisi le bleu comme couleur de ralliement, les électeurs de ce parti sont les « gilets bleus allemands » ! On retrouve chez eux une forte tendance contestataire et une attirance pour l’extrême droite identitaire, voire pour le radicalisme-nationalisme qui, en Allemagne, conduit au néo-national-socialisme. Tandis que, dans le Brandebourg, les électeurs font valoir qu’ils ont majoritairement voulu exprimer leur mécontentement, la situation est différente en Saxe, où 70% des électeurs de l’AFD déclarent avoir voté par conviction ou par adhésion aux thèses et au projet politique de leur parti.
Pendant la campagne électorale tant en Saxe que dans le Brandebourg, les doléances ont porté sur la mauvaise couverture dans les campagnes des réseaux téléphoniques, le manque d’accès à l’internet, l’insuffisance des transports en commun dans les zones rurales, le manque de médecins, tous sujets que l’on retrouve dans les doléances exprimées par les « gilets jaunes » en France et dans le grand débat qui a suivi. Viennent s’y ajouter les craintes face à la fermeture annoncée des exploitations de lignite dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique.
Tout comme les « gilets jaunes » ont montré des affinités avec le Rassemblement National et les mouvements identitaires en France, les « gilets bleus » ont en leur sein une aile identitaire nationaliste dont la proximité avec le NPD et la mouvance radicale néo-nazie ne peut être contestée (proximité avec « Pegida », ouvertement hostile à l’immigration, l’Islam et la construction européenne).
L’AFD n’a cependant pas réussi à devenir le 1er parti en Saxe et dans le Brandebourg. Elle perturbe le paysage politique mais n’empêche pas la formation de coalitions gouvernementales dans les Länder. Les élections de Thuringe seront un premier test après la déroute des partis dits « établis » en Saxe et dans le Brandebourg, les Verts – qui ont nettement progressé, ce qui n’allait pas de soi dans les Länder de l’Est – joueront un rôle décisif pour orienter l’Allemagne dans un sens ou dans l’autre.
Bernard Viale
N.D.L.R : Le dernier n° de la revue « Allemagne d’aujourd’hui » présente des analyses plus approfondies de ces différentes questions. Nous vous en recommandons la lecture.
Revue Allemagne d’aujourd’hui : http://www.septentrion.com/revues/allemagneaujourd’hui