La Lettre d’information n°54. Avril 2023.

LA LETTRE D’INFORMATION

sur les relations franco-allemandes et l’Allemagne

N° 54. Avril 2023.

Responsable de la rédaction : Bernard Viale.

Délégué à  la « Communication ».

 

Le mot du Président

Chers membres de l’AFDMA, chers amis,

Depuis plusieurs mois les relations entre la France et l’Allemagne sont mises à mal. Les médias se sont beaucoup attardés à en souligner les obstacles et les difficultés, exacerbées par la guerre en Ukraine, en particulier dans les domaines militaires mais aussi énergétiques.

Cependant, cette coopération reste exemplaire à de multiples égards et indispensable pour le maintien de la paix et du bien-être en Europe.

Fort heureusement, la commémoration du 60ème anniversaire du Traité de l’Elysée le 22 janvier dernier, a rappelé, si besoin était,  les fondamentaux solides de notre coopération et de belles manifestations ont eu lieu à Paris et dans beaucoup de communes de France, malheureusement quelque peu occultées par des problématiques de politique intérieure.

L’assemblée générale annuelle de notre association s’est tenue le 14 mars dernier à l’ambassade d’Allemagne, à l’invitation et en présence de son S.E. M. Hans-Dieter Lucas, que je tiens à remercier pour son hospitalité et la qualité de son accueil. Elle avait été précédée, le jour même, d’une réunion des Délégués régionaux qui n’avaient pas hésité à affronter les difficultés de transport. Qu’ils en soient aussi remerciés.

Au cours de cette assemblée générale, dont la réussite a été confirmée par tous les participants, j’ai tenu à rappeler les objectifs  de notre association :

•      Gagner de nouveaux membres pour accroitre notre rayonnement ;

•      Améliorer notre notoriété en donnant toujours plus de visibilité à nos actions ;

•      Faire de la jeunesse l’axe prioritaire de notre action.

Nous devons faire porter nos efforts sur les jeunes, sur l’avenir.

Dans cet axe d’effort, l’apprentissage de l’allemand est essentiel. Cette priorité vers les jeunes est mise en œuvre par les Délégués régionaux. Je veux souligner ici plus particulièrement leurs initiatives, telles l’action du Préfet Cyrille Schott en Alsace, qui a remis l’an dernier quatre Prix à de jeunes lycéens en formation générale et professionnelle. Jean-Marie Fèvre, notre Délégué en Lorraine, a également remis notre Diplôme à un éducateur sportif très impliqué dans le franco-allemand et William Falguière, Délégué pour les Pays de la Loire et la Bretagne, a organisé récemment à Angers,  une journée d’information et d’échanges sur la mobilité des jeunes en formation professionnelle, avec près de 50 participants autour des institutions chargées du soutien aux échanges de jeunes entre nos deux pays et en Europe (OFAJ, Pro tandem, Fonds citoyen franco-allemand, Erasmus+). Ces actions ont chaque fois fait l’objet d’articles dans la presse locale. Elles sont exemplaires.

Nous pouvons et nous devons être, nous, les membres de l’AFDMA, des traits d’union entre nos deux pays, entre Français et Allemands que nous voyons dans le cadre de nos responsabilités ou dans un cercle amical. Nous pouvons et nous devons aider à trouver la voie d’une coopération renforcée. Nous devons être des artisans de l’amitié franco-allemande, des ambassadeurs de cette coopération indispensable à nos deux pays pour l’intérêt supérieur de l‘avenir de la France et de l’Europe.

Je sais pouvoir compter sur vous et sur votre détermination.

Courage et confiance.

Très cordialement,

Général (2S) Bertrand Louis Pflimlin

Président

 

 

Sommaire :

–       Le mot du Président:

–       P. 3 : Publications : Le changement d’époque (« Zeitenwende »). Qu’est-ce que l’agression russe fait à l’Allemagne ? Par Hans Stark et            Jérôme Vaillant.
–       P. 8 : Allemagne : entre remise en cause et choix stratégiques. Par Olivier de Becdelièvre.

–      P. 12 : Après l’assemblée générale : un dialogue, deux témoignages.

Par Michel Bouchon et Bernard Viale.

–     P. 14 : Rencontres avec Friedrich Wilhelm Raiffeisen. Par Jean-Marie Fèvre.

–   P. 16 : Les manifestations franco-allemandes à la Maison Heinrich-Heine.

–  La vie de l’AFDMA.

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Publications

 

Durant les mois passés, nous avons publié un certain nombre d’articles sur notre site internet www.afdma.fr que nous ne reprenons pas dans cette « Lettre d’information ». Vous les retrouverez en page d’accueil  dans le « carrousel d’articles d’actualité » ou « En direct du franco-allemand ».

Rendez-vous sur www.afdma.fr !

Le changement d’époque (Zeitenwende).

Qu’est-ce que l’agression russe fait à l’Allemagne

 

Introduction au dossier du n° 243 d’Allemagne d’Aujourd hui. Janvier-mars 2023.

Par Jérôme Vaillant et Hans Stark.

La guerre que la Russie a déclenchée en envahissant l’Ukraine, le 24 février 2022 pour la deuxième fois consécutive depuis 2014, est restée pour le moment circonscrite.

L’escalade militaire, qu’appréhendent intellectuels et acteurs politiques en Allemagne comme Martin Walser, Jürgen Habermas, Alice Schwarzer ou Sarah Wagenknecht ne s’est pas produite au moment où l’agression russe entre dans sa deuxième année. Enrevanche, il est indéniable qu’elle a des répercussions planétaires considérables.

Contraire au droit international, cette guerre d’agression bouleverse l’ordre international existant et affecte profondément la vie politique et économique en Allemagne, en Europe et dans le monde.

Le chancelier Scholz a trouvé le mot juste quand il a estimé que l’agression russe induisait un « changement d’époque » (Zeitenwende). En effet, la première attaque russe contre l’Ukraine, qui s’est pourtant soldée par l’annexion de la Crimée et l’occupation d’une partie des régions de Luhansk et Donetsk en 2014, n’a pas eu pour conséquence de remettre en question les postulats de la politique de l’Allemagne envers la Russie. En revanche, l’agression de 2022, d’une ampleur et d’une violence incomparables, lancée pour renverser le pouvoir en place en Ukraine, pour « dé-ukrainiser l’Ukraine », pour modifier les frontières par la force et pour imposer un régime politique obéissant aux injonctions de Vladimir Poutine, marque une césure sans précédent.

L’après-Guerre froide, la période qui s’étend de 1991 à 2022, et qui désigne une époque où la disparition des deux blocs hérités de la Seconde Guerre mondiale a permis un rapprochement politique, économique et culturel entre l’Ouest et l’Est européens, a définitivement pris fin.

Évidemment, pas plus qu’aucun autre État européen, l’Allemagne n’a subi de destruc- tions ni de souffrances, qui seraient – et ne serait-ce que marginalement – comparables à celles que Poutine inflige jour après jour aux Ukrainiens, que les Russes qualifient pourtant de « peuple frère ». Il n’en demeure pas moins que l’agression russe et le « changement d’époque » qu’elle a entraîné impactent profondément l’Allemagne qu’il s’agisse de sa politique étrangère et de défense, de sa « politique à l’Est » aujourd’hui en miettes, de sa politique économique et commerciale plus que jamais critiquée, de sa politique énergétique toujours aussi dépendante du charbon ou de sa politique migratoire une fois de plus soumise à la pression de réfugiés. Pendant trente ans, l’Allemagne a vécu dans l’illusion si commode d’être entourée de « pays amis » et de vivre dans un monde d’harmonie et de paix éternelles que ne guettait que la perspective plus ou moins lointaine du réchauffement climatique (hormis quelques regrettables conflits loin de l’Europe, à la périphérie de l’espace mondial, mais dont il valait mieux ne pas se mêler au nom de « plus jamais la guerre »).

Ce confort intellectuel, pour ne pas dire cette rente économique, à laquelle l’Allemagne pensait en son for intérieur avoir bien droit après les chocs des deux guerres mondiales et de la Guerre froide (dont elle fut le centre névralgique) lui a permis de tirer des bénéfices substantiels de la mondialisation qui émerge dans les années 90. Déléguant à l’OTAN et à Washington le coût et l’effort d’une défense de l’Europe en cas de besoin, l’Allemagne a réduit au maximum ses dépenses militaires, investissant ailleurs ces « dividendes de la paix » générés par la fin du conflit Est-Ouest et l’unification. Les gouvernements Kohl, Schröder et Merkel pouvaient d’ailleurs justifier ce choix en se targuant d’avoir « appris les leçons de l’histoire » et d’être dorénavant « du bon côté de l’histoire ». L’Allemagne unie, qui inquiétait tant les Européens en 1991, était évidemment plus rassurante dans sa version rapetissée de « puissance civile ». Le désarmement unilatéral de l’Allemagne, prévu par le Traité « 2+4 » et étalé sur trois décennies, était somme toute dans l’intérêt de tous. Et particulièrement dans celui des Russes qui se sont lancés dans le projet de révision de leurs frontières par la force, en attaquant la Géorgie à l’été 2008…

La première guerre de Tchéchénie, sous la présidence de Boris Eltsine, qui remonte aux années 1994-1996, en constitue d’ailleurs le prélude. Parallèlement, les Allemands peaufinent le concept de « changement par le commerce » (Wandel durch Handel), variation ingénieuse du concept de « changement par le rapprochement » (Wandel durch Annäherung), mis en œuvre jadis par le chancelier Willy Brandt et Egon Bahr, son « ministre fédéral avec attribution spéciale ». Mais de changement, il n’y en eut  jamais ! Depuis dix ans, la Chine et la Russie mènent une politique de durcissement à l’interne sur fond d’affrontement croissantavec l’Ouest à l’échelle internationale. En revanche, le commerce avec Moscou et Pékin est resté florissant. Les deux principaux pays avec lesquels l’Allemagne forme un partenariat étroit sont des dictatures, dont les dirigeants respectifs n’ont à aucun moment donné au mot « changement » la signification que l’Allemagne lui conférait. En moins de vingt ans, avec l’aide décisive de Gerhard Schröder à la solde de Poutine depuis décembre 2005, l’Allemagne a fait de la Russie son principal fournisseur d’énergie en important de ce pays, jusqu’en février 2022, 55 % de ses besoins de gaz, 35 % de son pétrole et 50 % de ses besoins de charbon. L’approvisionnement en énergie bon marché venant de Russie devait accompagner sa sortie du nucléaire sans mettre en difficulté son industrie très énergivore – grâce notamment à la construction d’un deuxième gazoduc sous la mer Baltique, North Stream 2, alors que la Russie avait un an auparavant attaqué l’Ukraine et violé le droit international en annexant la Crimée et, de facto, la partie orientale du Donbass.

Le modèle sur lequel l’Allemagne a bâti sa prospérité des trois dernières décennies consistait donc à tirer pleinement profit de la mondialisation « heureuse » (le commerce et le libre-échange) en accumulant chaque année des excédents commerciaux dépassant régulièrement 200 milliards d’euros (soit plus de 7 % de son PIB). Tout en refusant, conformément aux obligations qui découlent de son statut de « puissance civile », de s’impliquer dans la gestion de la mondialisation « malheureuse », celles des guerres, des conflits et des antagonismes géopolitiques.

L’agression russe contre l’Ukraine a rendu cette logique obsolète. Y mettre un terme s’inscrit dans la logique de la Zeitenwende qui a vu l’Allemagne repasser en revue tous les postulats de sa politique depuis l’unification. Sans prétendre en faire un inventaire exhaustif, le présent dossier analyse les principaux enjeux auxquels le gouvernement Scholz se voit confronté depuis le réveil brutal du 24 février 2022. L’Alliance atlantique, qui s’avère être très loin d’un état de mort cérébrale, constitue comme du temps de la Guerre froide, l’assurance par excellence contre l’éventualité d’une attaque russe – théoriquement concevable dans les régions échappant à la Russie mais appartenant selon Poutine à la sphère du « monde russe », notamment les Pays baltes et la partie orientale de la Pologne. L’attaque russe ayant ressoudé les Occidentaux et remis l’OTAN sur le devant de la scène géopolitique, l’Allemagne doit retrouver la confiance de ses alliés et assumer au sein de l’alliance le rôle qui lui revient a priori, du point de vue géographique et compte tenu de son potentiel démographique et économique. Sans oublier les engagements pris par l’Allemagne vis-à-vis de la Lituanie où Berlin doit déployer une brigade « robuste »de 850 soldats au titre de la « Présence avancée renforcée de l’OTAN » (eFP). Une tâche ardue comme le souligne Detlef Puhl dans son article consacré au rôle de l’Allemagne au sein de l’Alliance atlantique.

Retrouver la confiance de ses alliés, soutenir et aider l’Ukraine (pas seulement militairement) et faire face à la menace russe implique une révision en profondeur de la politique de défense de l’Allemagne et une augmentation substantielle de son budget de la défense. Dans son discours devant le Bundestag le 27 février 2022, le chancelier a annoncé un fonds spécial de 100 milliards d’euros en faveur des forces armées allemandes et l’intention du gouvernement de consacrer dorénavant 2 % du PIB à la défense. Mais, comme l’explique Franz-Josef Meiers, le chemin sera très long et semé d’embûches. En 2022, la part du PIB allemand investie dans la défense n’a été que de 1,44 %. Elle n’atteindra sans doute pas 1,6 % en 2023. De même, à peine 8,8 milliards € du fonds spécial ont été débloqués en 2022. Et on note que les armements et munitions que l’Allemagne a transférés en Ukraine n’ont pas été remplacés. Le fonds spécial n’a guère été utilisé, les sommes budgétées ne sont pas dépensées, et les procédures rapides prévues pour l’acquisition d’équipements restent bloquées. Le bilan après une année de « changement d’époque » est pour le moins mitigé. Le nouveau ministre de la Défense, Boris Pisterius, qui a succédé en janvier 2023 à Christine Lambrecht, qui n’a jamais été à la hauteur des défis, a promis de montrer que, sous ses auspices, tout allait s’accélérer. Lors de la Conférence sur la Sécurité de Munich en février 2023, il a ouvertement reconnu ce qu’un chacun ne pouvait ignorer depuis longtemps, à savoir que les procédures d’achat de son ministère étaient inadaptées, surtout dans le contexte des urgences dues à la guerre en Ukraine. Il demande par ailleurs une augmentation du budget de la défense de 10 milliards d’euros à partir de 2024 et considère le critère des 2 % de PIB non pas comme un seuil maximal, mais comme un objectif minimal (point de vue majoritaire aujourd’hui au sein de l’OTAN). Mais il se heurte à une résistance ouverte venant de la gauche du SPD (en particulier de la coprésidente du SPD Saskia Esken), qui se positionne plus ou moins ouvertement contre la logique du « changement d’époque ».Un an après le discours du chancelier au Bundestag, le souhait de financer et d’équiper la Bundeswehr en fonction de ses besoins divise le SPD. Certes, le dernier mot n’a pas encore été dit et la politique en Allemagne s’inscrit toujours dans la logique de la « compétence à fixer le cap », la fameuse « Richtlinienkompetenz », dont dépendent et découlent l’autorité, la capacité d’action et la marge de manœuvre de tout chancelier. D’où l’importance de regarder de près les discours tenus par le chancelier Scholz depuis un an sur les questions de politique étrangère, de sécurité et de défense dont trois, particulièrement significatifs, font l’objet d’une documentation dans le présent dossier. Toutefois, à la différence du cas français, la politique étrangère allemande n’est pas le domaine réservé du chancelier. Ce dernier doit accepter que d’autres acteurs politiques ont leur mot à dire. C’est évidemment le cas de la ministre des Affaires étrangères, très présente sur la scène internationale et souvent à l’origine de décisions difficiles, comme celle de la livraison de chars de combat modernes à l’Ukraine. Et c’est aussi le cas du parlement allemand, même si ce dernier n’a pas, lorsqu’il s’agit de la défense collective, les pouvoirs qui sont les siens quand il s’agit de valider la participation de la Bundeswehr à des opérations extérieures. Mais le Bundestag adopte le budget – y compris bien sûr celui de la Bundeswehr. Enfin, ses résolutions imposent un cadre au gouvernement, y compris en matière de politique étrangère. Comme celle sur l’Holodomor. En effet, le 30 novembre 2022, le parlement allemand a voté à une très large majorité une résolution visant à reconnaître comme génocide la grande famine, appelée Holodomor, qui a fait plus de 4 millions de victimes en Ukraine entre 1932 et 1933. Seuls les partis d’opposition favorables à la Russie, Die Linke et l’AfD, se sont abstenus. Kai Struve, qui consacre son article à la portée politique et mémorielle de l’Holodomor, rappelle à juste titre que cette résolution comble un vide en Allemagne. Peu connue en Allemagne (mais encore moins en France) la grande famine orchestrée par Staline dans sa lutte contre les « Koulaks » avait déjà à l’époque pour but d’affaiblir l’identité nationale ukrainienne.

Si l’Ukraine, en tant qu’Etat, et les Ukrainiens en tant que nation sont peu connus en Allemagne, c’est aussi en raison d’une politique à l’Est qui avait pour seul partenaire, interlocuteur et cible la Russie. La politique à l’Est de l’Allemagne fut une politique russe qui ne prenait pas en considération et qui n’écoutait pas la parole et les mises en garde (voire la détresse) des pays d’Europe centrale, situés entre deux grands voisins engagés dans un pas de deux ressenti comme dangereux. Il a fallu attendre le 24 février 2022 pour que l’Allemagne se réveille, comme le reconnaissent aujourd’hui Frank-Walter Steinmeier et Sigmund Gabriel, tous deux ministres des Affaires étrangères sous Angela Merkel.

Cette dernière estime en revanche qu’elle n’a rien à se reprocher. Pas plus que Gerhard

Schröder qui proclame haut et fort : « le mea culpa n’est pas mon truc ». On peut cependant voir les choses autrement et sous différents angles… Cinq contributions sont consacrées à cette problématique dans le dernier n° d’Allemagne d’Aujourd’hui.

Matthias Schulz s’interroge sur la fin de la politique d’apaisement en Allemagne.

Bernard Chappedelaine analyse l’évolution des relations germano-russes.

Hans Stark étudie la politique russe du SPD de G. Schröder à O. Scholz et Pierre Frédéric Weber traite de la perception polonaise des relations germano-russes.

Enfin, Jean-Marc Trouille rappelle la vision essentiellement des conservateurs britanniques de l’agression russe en Ukraine et du rôle que l’Allemagne joue, en filigrane, dans ce contexte. L’agression russe contre l’Ukraine a provoqué en moins d’un an l’exode de huit millions d’Ukrainiens, soit plus de 20 % de la population totale. 1,2 million d’entre eux se sont rendus en Allemagne, un nombre supérieur à celui des réfugiés de la période 2015-2016. Même si la hausse dans les sondages de l’AfD est due, au moins partiellement, à l’afflux des réfugiés ukrainiens, il n’en demeure pas moins que ces derniers, pour la plupart des femmes diplômées et des enfants, sont bien acceptés outre-Rhin et s’intègrent assez rapidement dans la société et l’économie allemande, plus que jamais à la recherche de main-d’œuvre qualifiée.

Gwenola Sebaux analyse la façon avec laquelle l’Allemagne aborde cette question et affronte ce qu’il faut malgré tout appeler une « seconde vague migratoire » en moins de dix ans. Cette seconde vague a par ailleurs ceci de particulier qu’elle se produit alors que l’Allemagne connaît en même temps un fort taux d’immigration russe comme le rappelle Jannis Panagiotidis. Celui-ci insiste toutefois sur le fait qu’il convient de distinguer les « Russes d’Allemagne » qui sont en réalité les descendants lointains des « Russlanddeutstsche », donc des Allemands qui ont émigré en Russie aux XVIIe et XVIIIe siècles, et qui ont été « rapatriés » au lendemain de l’effondrement de l’URSS. À ce groupe, très majoritaire, se rajoutent des Russes sans lien familial avec l’Allemagne, qui ont choisi la République fédérale comme terre d’asile ou d’exode pour fuir le régime de Poutine ou l’enrôlement dans ses forces armées. Au total, entre trois et quatre millions d’Ukrainiens et de Russes vivent aujourd’hui sur le sol allemand. Cette immigration a évidemment aussi un impact économique, fût-il moindre que celui de la guerre, de la hausse des prix de l’énergie et de la fin du partenariat énergétique entre l’Allemagne et la Russie. Certes, d’un point de vue économique, la catastrophe annoncée ne s’est pas produite. L’Allemagne n’a pas manqué d’énergie cet hiver et elle a connu un taux de croissance économique de 1,9 % en 2022.

Mais on ne peut pas savoir si le pire n’est peut-être pas encore à venir comme le souligne Henrik Uterwedde dans son analyse consacrée à l’impact économique sur l’Allemagne de la guerre en Ukraine. Même s’il faut sans doute temporiser. En effet, en octobre 2022, le ministre de l’économie Robert Habeck avait encore prédit un recul du produit intérieur brut (PIB) de 0,4 % pour 2023. En janvier 2023, il dit s’attendre désormais à une légère augmentation de 0,2 % pour l’ensemble de l’année 2023. Selon les estimations du gouvernement fédéral, le taux d’inflation va baisser. Après avoir atteint une moyenne annuelle de 7,9 % en 2022, il devrait atteindre une moyenne annuelle de 6,0 % en 2023. Le ministère justifie l’amélioration des perspectives de croissance et la baisse de l’inflation notamment par les programmes d’aide aux ménages et aux entreprises décidés par le gouvernement fédéral. Au total, 200 milliards d’euros ont été alloués à cet effet au fonds de stabilisation économique (WSF). Environ 29,5 milliards d’euros ont été dépensés jusqu’à fin 2028.

Il n’en demeure pas moins que l’interruption de la fourniture d’hydrocarbures russes bon marché et la sortie définitive du nucléaire (fermeture des dernières centrales en avril 2023), alors que le tournant énergétique n’est pas encore achevé et que la part de l’énergie renouvelable dans le mix énergétique allemand reste faible (le renouvelable varie en fonction de la météo entre 20 % et 40 % de la consommation d’électricité), lancent un redoutable défi à l’économie allemande, comme le souligne Michel Deshaies dans son analyse de la politique énergétique allemande. Le risque d’une désindustrialisation est à prendre au sérieux. En témoignent la fermeture d’un site de la BASF en Allemagne et l’investissement croissant de BASF en Chine et de Bayer aux États-Unis. L’industrie d’automobile pourrait s’en inspirer… Et pourtant, des signes de redressement apparaissent ici et là !

L’Allemagne aujourd’hui n’est plus tout à fait celle que nous avons connue hier. L’agression russe contre l’Ukraine bouleverse la donne politique, économique et sociale en Allemagne. Si les changements sont toujours en cours et s’ils dépendent en grande partie de la durée et du résultat de ce conflit, de premières conclusions peuvent pourtant déjà être tirées. C’est l’objet et le sens de ce dossier.

Hans Stark est prof. de civilisation allemande à l’Université Paris 4 et conseiller de l’IFRI pour les relations franco-allemandes.

Jérôme Vaillant est prof. em. de civilisation allemande à l’Université de Lille 3, rédacteur en chef de la revue « Allemagne d’aujourd’hui » et délégué régional de l’AFDMA pour les hauts de France.

 

 

Allemagne : entre remise en cause et choix stratégiques 

Par Olivier de Becdelièvre

 

L’invasion de l’Ukraine par la Russie et le prolongement des hostilités placent l’Allemagne dans une situation délicate. Fortement impliquée en Europe orientale, dépendante de la Russie pour le fonctionnement de son économie, elle pâtit lourdement de la rupture d’un équilibre qu’elle s’est efforcée de maintenir et doit tenter de redéfinir ses relations au sein de l’Europe et de l’Alliance pour préserver son modèle économique et son influence politique.

1 – L’équilibre européen et la stabilité comme fondements de la politique allemande.

L’Allemagne se définit, selon les termes de son Livre Blanc de 2016, comme une « puissance économique majeure qui profite d’un climat social stable, d’une infrastructure de grande valeur » et  qui « peut, politiquement, s’appuyer sur un réseau étroit de structures bilatérales, européennes, transatlantiques et multilatérales qui confèrent à son action efficacité et légitimité».

Le Livre Blanc précise par ailleurs qu’en Allemagne, « le bien-être et les revenus du peuple dépendent dans une large mesure des conditions d’un environnement européen et mondial propice » et que le pays « dépend dans une mesure particulière de voies d’approvisionnement sécurisées, de marchés stables ainsi que de systèmes d’information et de communication fonctionnels ».

L’objectif des gouvernements successifs, indépendamment des changements de coalition et de majorité, a été, depuis la réunification, et demeure aujourd’hui de créer et de maintenir les conditions d’une prospérité économique qui dépend au premier chef de la stabilité assurée essentiellement par l’Alliance atlantique, d’institutions européennes garantes de l’économie de marché, et de relations les meilleures possibles avec l’Europe orientale et en particulier la Russie, pourvoyeuse d’une énergie bon marché, gage de compétitivité.

La relation avec la Russie est d’autant plus sensible que la décision prise en 2012 par Angela Merkel, à la suite de l’accident nucléaire de Fukushima, de mettre fin au nucléaire civil avant la fin de 2022, augmente la dépendance de l’Allemagne vis-à-vis du gaz et du pétrole russes. La construction de l’oléoduc Nord Stream 2, sur le point d’être achevée fin 2021, a du reste été une pierre d’achoppement dans la relation germano-américaine, la Maison Blanche considérant d’un mauvais œil le resserrement des relations économiques de Berlin avec Moscou.

Les coalitions successives au pouvoir, fortes de ce credo bien antérieur au Livre Blanc de 2016, ont consciencieusement engrangé les « dividendes de la paix » en ne consentant, pour leur effort de défense, que le strict minimum compatible avec la puissance économique du pays et l’ambition modeste du maintien d’un statu quo en Europe que rien, jusqu’au début de la décennie 2010, ne semblait vouloir menacer. C’est à partir de 2014, de la révolution de Maidan et de l’annexion par la Russie de la Crimée que l’opinion allemande prend conscience de l’évolution de la situation en Europe orientale et du changement d’attitude de la Russie, désormais considérée comme une menace pour la paix, mais qui demeure un partenaire majeur qu’il convient de ménager.

Les élections fédérales de septembre 2021 ont mis fin à l’ère Merkel et amené au pouvoir une coalition dite des « feux tricolores » rassemblant, sous la direction des sociaux-démocrates, Verts et libéraux. Cette nouvelle coalition, certes plus pacifiste et écologiste que la précédente, s’est bien gardée de changer d’objectifs  en matière de politique de défense et de sécurité. Le chancelier Scholz, entré en fonctions le 8 décembre, a rapidement confirmé le maintien du budget de la défense au niveau prévu par la coalition précédente, tandis que le contrat de coalition ne change rien aux dispositions précédemment arrêtées, y compris la participation à la planification nucléaire de l’OTAN et au « partage nucléaire » supposant la participation de la Luftwaffe à un éventuel engagement nucléaire tactique.[1]

Jusqu’à la veille de l’invasion de l’Ukraine, l’Allemagne s’en tient, vis-à-vis de la Russie, à une attitude réservée, de nature, selon son point de vue, à préserver, sinon ses bonnes relations, du moins ses intérêts. Ainsi, le 17 décembre, Berlin met il son veto à la livraison à l’Ukraine de 90 fusils de précision et il faut attendre le 18 janvier pour que le chancelier Scholz, jusque là partisan de la poursuite de la construction du gazoduc Nord Stream 2, se résolve à un moratoire. La question du gazoduc  est encore abordée au cours d’un entretien du Chancelier avec le Président Biden, le 11 février, les deux hommes restant sur un constat de désaccord.

2 – Remise en cause des équilibres, rupture et questionnement.

La reconnaissance des républiques de Donetsk et Lougansk le 21 février, suivie de l’invasion de l’Ukraine le 24, signifient pour l’Allemagne un échec cuisant sur le plan diplomatique, la fin des illusions de stabilité, et une remise en cause de son modèle économique qui fait peser une menace sur sa prospérité. Le pays, pris au dépourvu, prend conscience de sa faiblesse.

La première réaction allemande consiste à geler le processus de mise en service de Nord Stream 2, avant même le discours du chancelier, le 27, devant le Bundestag. Par le terme de Zeitenwende (changement d’ère), renvoyant à la Wende (la chute du Mur), Olaf Scholz souligne la gravité de l’heure, et  annonce un effort sans précédent au profit de la défense. Cet effort porte sur  l’augmentation du budget à hauteur de 2% du PIB (norme de l’OTAN, mais vœu pieux jusque-là) la création d’un fonds spécial d’investissement de 100 Mrd € et un assouplissement des procédures d’acquisition du matériel par la Bundeswehr.

Le fonds spécial d’investissement (Sondervermögen), qui échappe aux règles budgétaires, nécessite de ce fait une modification de la Loi fondamentale[2]. Elle sera acquise par un vote à la majorité qualifiée (des deux tiers) des deux assemblées – Bundestag et  Bundesrat-, début juin. Le fonds spécial, ainsi « sanctuarisé », est exclusivement destiné au développement et à l’acquisition de matériel militaire au profit de la Bundeswehr, selon une liste publiée aussitôt.

Cette liste reprend en les précisant quelques projets déjà discutés, sinon engagés, et vise à combler nombre de déficits constatés en particulier dans le domaine des munitions. Il est également prévu de réaliser un bouclier antimissile destiné, à ce stade, à protéger le territoire allemand d’une agression par missiles hyper véloces. L’urgence invoquée de la situation conduit à y privilégier les acquisitions sur étagère aux projets plus lointains

Au-delà de cette première réaction, les quatre fondements de l’approche allemande du conflit russo-ukrainien sont définis par le chancelier Scholz le 8 mai dans un discours devant le Bundestag :

–          Pas de « cavalier seul » allemand sur le plan politique,

–          Préservation et renforcement des capacités de la défense nationale,

–          Refus de toute action qui nuirait davantage à Berlin et à ses alliés qu’à la Russie,

–          Engagement de ne pas faire de l’OTAN un cobelligérant.

Ces principes posés, l’Allemagne poursuit, comme ses alliés, la politique de sanctions vis-à-vis de Moscou et de livraison d’armes et de matériel à Kiev.

Notons cependant que même après l’invasion de l’Ukraine, l’Allemagne semble être longtemps demeurée  comme écartelée entre sa solidarité avec l’OTAN, sa condamnation de l’agression et de l’attitude du Président Poutine et la préservation de sa relation avec la Russie. Elle est, certes, le troisième fournisseur d’aide à l’Ukraine, après les Etats-Unis et la Pologne, mais privilégie les équipements aux armements, et reste modeste dans la fourniture d’armes létales et de matériel blindé. Ainsi le Chancelier a-t-il, le 19 avril dernier, refusé la livraison de chars de combat. L’Allemagne pratique volontiers un système de roque, livrant du matériel neuf ou récent à des tiers qui se défont à leur tour d’engins plus anciens, souvent d’origine soviétique, au profit des forces armées ukrainiennes.  La livraison directe de matériel majeur relativement récent se limite, à ce jour, à quatorze obusiers automoteurs de 155 mm PzH 2000, et à 35 Gepard (bitubes antiaériens de 35 mm), avec une quantité limitée de munitions.

3 – Nouvelle donne et intérêt national : vers de nouveaux équilibres ?

3.1 – Renforcement des capacités militaires et positionnement dans l’Alliance.

Parallèlement à l’acquisition de matériel, d’équipements et de munitions permise par le fonds spécial d’investissement, la défense allemande se réorganise, avec la création le 26 septembre du commandement des opérations territoriales (TerrFüKdoBw), relevant directement du GeneralInspekteur (CEMA), et disposant de quatre régiments du Territoire, chargés essentiellement de missions de soutien, les interventions sur le sol national étant du domaine des forces de police.

A l’occasion du sommet de l’OTAN (28 au 30 juin), l’Allemagne s’est engagée à fournir une division blindée-mécanisée (15000 soldats, 65 aéronefs, 20 navires) à la Force de Réaction (NRF) de l’OTAN, d’ici à 2025. Parallèlement, sa participation aux mesures de réassurance dans les Etats baltes doit s’accroître, avec la mise sur pied d’un état-major de niveau brigade à Rukla (Lituanie). Le contingent actuel déployé  sur place est d’environ 1600 soldats, dont 1000 Allemands. L’objectif annoncé est d’être en mesure d’y déployer une brigade (entre 3000 et 5000 hommes), le matériel étant pré positionné sur le théâtre et le personnel en alerte en garnison.

Au-delà des efforts consentis, ou annoncés, pour augmenter sa puissance militaire, la Bundeswehr vise à fédérer les efforts de ses voisins, affirmant ainsi une forme de leadership. C’est le cas pour la constitution du bouclier antimissile, devenu au fil des semaines l’ESSI (European Sky Shield Initiative) regroupant quatorze pays autour de l’Allemagne et reposant sur des systèmes allemand (IRIS-T SLM), américain (Patriot) et israélien (ARROW 3), bouclier auquel la France, l’Italie et la Pologne n’ont pas souhaité s’associer.

Plus généralement, l’industrie de défense allemande  profite du conflit en cours pour étendre son réseau. Le mécanisme de roque évoqué plus haut a permis d’équiper en chars Leopard 2 une partie des forces tchèques et slovaques, et en VBCI Marder les forces hellènes, amorces espérées de contrats futurs.

3.2 – Nouveaux équilibres et intérêt  national.

Les mesures militaires adoptées en réaction à l’agression russe en Ukraine ne doivent pas occulter le grave déséquilibre qui affecte l’Allemagne sur le plan économique. C’est, pour son industrie, la fin de l’énergie bon marché, une chute de sa compétitivité, et une perte probable de débouchés dans une Europe affaiblie par la guerre à l’Est et des restrictions liées peu ou prou aux sanctions décidées à l’Ouest. Au-delà, c’est son modèle social qui est en cause et l’on peut s’attendre à ce que son gouvernement s’emploie à le défendre.

Les effets d’un raidissement allemand pourraient se faire sentir au sein de l’Union européenne, par exemple sous la forme d’une moindre tolérance pour les partenaires moins rigoureux ou plus endettés, et d’une détérioration du lien franco-allemand déjà en crise. A l’extérieur, l’Allemagne pourra être tentée de jouer cavalier seul, ce que la visite en « solo » du chancelier Scholz à Pékin le 4 novembre peut laisser augurer, et il est probable que, le conflit passé, le tropisme russe agira de nouveau, les réalités géopolitiques étant difficilement contournables. Il ne serait d’ailleurs pas surprenant que l’Allemagne se positionne, le moment venu, pour la reconstruction de l’Ukraine.

4 – Conclusion.

L’invasion de l’Ukraine a pris à contre-pied une Allemagne dont la prospérité et le bien-être reposaient en grande partie sur de bonnes relations avec la Russie, sans doute ternies par la politique poutinienne depuis une dizaine d’années, mais qu’elle s’efforçait de préserver.

Ce changement de donne a eu pour conséquence immédiate une prise de conscience de sa faiblesse et un réveil sur le plan militaire se traduisant par un effort financier sans précédent. Première armée conventionnelle d’Europe occidentale, la Bundeswehr gagne en influence sur ses voisins et permet à l’Allemagne d’exercer une forme de leadership dont elle a sans doute besoin au moment où son statut économique est menacé.

On ne saurait exclure que l’Allemagne, pour sauver son modèle social, soit tentée de jouer son propre jeu au sein de l’OTAN et de l’Union Européenne, en attendant que la situation se normalise en Europe orientale.

Général (2S) Olivier de Becdelièvre.

Secrétaire général de l’AFDMA

 

Après l’assemblée générale : un dialogue, deux témoignages

Un échange épistolaire au lendemain de l’AG.

 

« Monsieur Bernard Viale,

Je vous remercie particulièrement de cette photo (de l’AG) qui mémorise un moment inédit et significatif.

J´ai retrouvé « ma Sarre à Saarlouis » et mon activité au sein de l´agence consulaire de France. Avec notre fille Myriam Bouchon, la consule honoraire, plongés au quotidien dans notre monde franco-allemand pour y apporter notre soutien avec volonté, tempérance et obstination.

Des circonstances personnelles m´avaient permis d´être à Paris pendant une quinzaine de jours et forcément je me suis réjouis d´assister à cette réunion. J´y ai rencontré quelques connaissances et enfin vous-mêmes avec les autres membres. Il y a beaucoup de choses à dire, beaucoup à faire sans aucun doute, mais il y a aussi beaucoup à apprendre . Pour ma part j´y vois une forte dualité, des logiques souvent opposées et des à priori marquants et indélébiles. L´Europe se fera d´autant mieux que lorsque nous aurons vaincu tous ces travers qui freinent ou annihilent nos efforts. J´attends avec impatience le nouveau futur couple franco-allemand au sommet, à l´image de De Gaulle et Adenauer, capable d´incarner ces  » plus » que les plus communs ne voient pas, ne ressentent pas ou n´incarnent pas!

Notre base existe, solide et fervente mais elle est restreinte et quelque fois bien seule, C´est ce que j´observe dans le fonctionnement des jumelages… Le chemin reste bien long et c´est sans doute les mondes du travail, de la culture, des loisirs et du sport qui seront les éléments les plus porteurs de ces amalgames indispensables.

Après une vingtaine d´années de vie profondément inclusive, je n’ai pas aperçu de signaux particulièrement significatifs, quoi qu´on en dise ici et là ! Il y a quelques personnes marginales, très inspirées et actives, il y a par ailleurs une petite élite, une base globalement peu visible, pas grand´chose entre les deux, des politiques discrets et une presse nationale peu intéressée….Tout cela me parait plat, je le regrette.

Merci pour ce bon moment !

Bien cordialement »

Michel Bouchon

Ancien Consul honoraire de France

 

« Cher Monsieur Bouchon,
Merci pour votre analyse, dont je ne peux que souligner la pertinence…
Le chancelier Kohl a un jour déclaré : « la particularité de la relation franco-allemande, c’est sa normalité ». Formule discutable, certes, mais à l’époque des réseaux sociaux et des médias qui ne recherchent que le buzz et ne parlent que rarement des trains qui arrivent à l’heure, nos initiatives et nos engagements ne connaissent pas la notoriété qu’ils mériteraient.
Pour avoir vécu cette relation « de l’intérieur » pendant 35 ans au sein de l’Office franco-allemand pour la jeunesse, dont j’ai été directement associé à la direction pendant 20 ans en tant que coordonnateur des services, j’ai pu appréhender sa complexité, souvent loin des grandes envolées lyriques des grands rendez-vous politiques. Mais, quoi qu’il en soit, j’ai pu aussi apprécier l’engagement de ces milliers de citoyens « ordinaires » qui s’intéressent quotidiennement les uns aux autres et qui apportent leur pierre à une meilleure acceptation de l’altérité et à un « mieux vivre ensemble ».
Une de mes missions à l’OFAJ a été de mettre notre relation au service de la construction européenne, comme l’avaient souhaité ses fondateurs, de Gaulle et Adenauer, en développant les échanges avec des pays tiers. D’abord dans le cadre de la Communauté européenne (« Jeunesse pour l’Europe », « Erasmus » et autres programmes sont nés à l’OFAJ), ensuite avec les pays d’Europe centrale et orientale (« Triangle de Weimar” avec la Pologne, mais pas que), enfin avec les Balkans occidentaux ( Bosnie, Kosovo, Serbie, Croatie, Macédoine…) où nous avons essayé, dès la fin de la guerre en ex-Yougoslavie, de mettre notre expérience de la réconciliation franco-allemande au service du dialogue entre les peuples et les minorités ethniques des différents pays. Pour ma plus grande fierté, dans ce dernier cas, nos efforts ont conduit, après mon départ, à la création par plusieurs pays d’une organisation internationale, RYCO (Regional Youth Cooperation Organisation), calquée sur le modèle de l’OFAJ, dont le siège est à Tirana, financé par les pays fondateurs et l’Europe.
Une belle preuve, méconnue, de l’exemplarité de notre relation et de son apport pour la construction européenne ! Tout ça pour dire que, même si le « grand souffle” des débuts est retombé, il se passe encore de belles choses, même si tout n’est pas parfait…
Je regrette de n’avoir pas pu échanger davantage avec vous lors de l’AG de notre association.
Merci encore pour votre intérêt, bien cordialement, »

Bernard Viale

Délégué à la Communication de l’AFDMA

Rencontres avec Friedrich Wilhelm Raiffeisen

Par Jean-Marie Fèvre

Quand j’apprends qu’une personne ou un organisme va ouvrir un compte au Crédit Mutuel, tant de souvenirs s’éveillent en moi…

Le mouvement coopératif : une expérience vécue dès l’enfance et pendant mes études

Originaire d’un village, je grandis avec différentes coopératives : agricoles (« SCARM »), de consommation (l’épicerie du village est alors le « Familistère »), de crédit (« Banque Commerciale de Champagne »). Pendant mes études, je découvre plus amplement le mouvement coopératif avec, entre autres : Owen et le mouvement « Rochdale » en Angleterre, Fourier en France etc.  J’écris un mémoire d’économie à l’université de Reims sur les coopératives agricoles. à Guise, je vais au « phalanstère » à l’usine Godin. Mon mémoire de fin d’études au Collège d’Europe à Bruges s’intitule : « Co-operatives and Marketstructure in the European Food Industry ». Pendant le semestre d’hiver 1977-1978, alors que je travaille à Düsseldorf, je suis un séminaire sur la coopération à l’université de Cologne. J’y découvre vraiment Raiffeisen.

Raiffeisen : un vrai bienfaiteur.

Friedrich Raiffeisen, né à Hamm (village de Rhénanie-Palatinat) en 1818, travaille sans répit malgré sa vue très déficiente. Il constate la misère des petits agriculteurs du « Westerwald ». En effet, il arrive si souvent qu’une mauvaise récolte amène à un manque de fourrage pour « faire la soudure » jusqu’à la récolte suivante. Et le paysan se retrouve contraint de s’adresser à un usurier qui le ruine car l’endettement l’étouffe progressivement en un cycle infernal. Friedrich Wilhelm Raiffeisen s’appuie sur sa foi (influencée par le piétisme), sur son sens du Bien Commun et sur l’exemple de son père : Il crée une « société de secours » puis développe un mouvement de coopératives de crédit et agricoles qui essaime très vite et dont l’essor n’a jamais cessé, à partir d’Heddesdorf où il travaille. Après son décès en 1888, il y est enterré et cette commune est rattachée de nos jours à la ville de Neuwied, près de Coblence.

Internationalement, la « galaxie Raiffeisen » est présente dans de nombreux pays. Les principes coopératifs sont clairs : Selbsthilfe, Selbstverwaltung, Selbstverantwortung. On notera ainsi : le droit de vote par tête et non d’après le nombre de parts, les caisses locales, l’entraide entre sociétaires grâce à la mutualisation, le réinvestissement du surplus ou le partage entre sociétaires et  la mutualisation des risques.

En France, les initiatives de coopératives (notamment de crédit) se développent a la fin du XIXème siècle, notamment dans le nord et dans l’ouest du pays, dans la mouvance sociale chrétienne. En Alsace et en Moselle annexées, Raiffeisen est actif à Strasbourg. Bientôt, il y a des caisses dans de très nombreux villages du Reichsland. En outre, la formation de syndicalistes chrétiens à Mönchengladbach est dynamique et aura un impact durable.

Et c’est ainsi, qu’après 1918, le Crédit Mutuel unit en France différentes coopératives de crédit. Symboliquement, son siège à Strasbourg est situé rue Raiffeisen. De même se crée en France, en 1919, un syndicat chrétien (et non « catholique » à cause de l’expérience d’Alsace et de Moselle): la CFTC.

Dimension personnelle durable

Quand je travaille au Bundestag à Bonn en 1985, j’ouvre un compte à la « Sparda Bank », la coopérative de crédit (« eG ») des cheminots allemands.

À partir de 1986, je vais souvent chez des amis agriculteurs dans le Westerwald (membres Raiffeisen) aux environs d’Altenkirchen, près de Hamm.

À Grosbliederstroff en Moselle où je m’installe au printemps 2000, la caisse locale du Crédit Mutuel célèbre son centenaire en 2004 – avec plaque en gré rose.

Au printemps 2022, lors d’une croisière avec notre plus jeune fils, notre fille et son mari, notre bateau est amarré pour quelques heures tout près du « Deutsches Eck » à Coblence. Comme nous connaissons déjà la ville, nous décidons de prendre le train jusqu’à Neuwied. Et là, nous allons sur la tombe de Friedrich Raiffeisen :

En-dessous de deux bas-reliefs, on lit les citations suivantes: « Ce que vous avez fait pour le plus petit d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ! » :

« Aide-toi, Dieu t’aidera !».

Jean-Marie Fèvre est délégué régional de l’AFDMA pour la Lorraine

 

 Les manifestations franco- allemandes

A  la Maison Heinrich Heine, Cité internationale Boulevard Jourdan, 75014 Paris

Le 25 mai 2023 à 19h 30 :

« Quand je pense à l’Allemagne, la nuit »

Mémoires d’un ambassadeur,

Avec Claude Martin, ancien ambassadeur de France en Chine et en Allemagne.

Pierre Haski, journaliste chroniqueur à France Inter et président de Reporters sans frontières, et Brita Sandberg (mod.), correspondante du Spiegel à Paris.

Profondément épris de l’Allemagne, Claude Martin dédie son dernier livre à ce «  pays que l’on pouvait aimer enfin ». Il y raconte les grands enjeux politiques de l’Europe au tournant du millénaire, le défi des relations franco-allemandes qui oscillent encore entre méfiance et complicité, et son rôle d’ambassadeur de France à Berlin qu’il a joué neuf années durant. Un récit de cette grande aventure vers l’entente franco-allemande à laquelle il a participé, et une page de l’histoire contemporaine.

Le programme des manifestations culturelles de la MHH pour les 3 mois à venir n’était pas définitivement arrêté au moment de la publication de cette « Lettre ». Pour en savoir plus, voir sur www.maison-heinrich-heine.org

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La vie de l’AFDMA

La réunion annuelle des Délégués régionaux

Elle a eu lieu le 14 mars 2023 au matin dans les locaux du Bureau International de Liaison et de Documentation (BILD), qui héberge habituellement les réunions de Bureau de notre association. Tous nos remerciements à son Secrétaire général, Peter Herzberg, pour son excellent accueil.

Le BILD est une des plus anciennes associations franco-allemandes. Il propose, avec le soutien de l’OFAJ, des rencontres franco-allemandes de jeunes avec  activités linguistiques dans des centres en France et en Allemagne. Il était le support d’édition de la revue « Documents / Dokumente », disponible maintenant sur internet dans un format plus réduit.

Au cours de cette réunion, en présence de la plupart des membres du Bureau, Cyrille Schott pour l’Alsace, Jean-Marie Fèvre pour la Lorraine, Jacques Ajouc pour le Centre, Horst Hombourg pour l’Occitanie et William Falguière pour les Pays de la Loire et la Bretagne ont fait part de leur activité : participation à des manifestations, remises de Prix et de Diplômes, organisation d’une journée d’information sur la mobilité des jeunes en formation professionnelle. La situation très critique et préoccupante de l’enseignement de l’allemand, malgré les différentes résolutions de ces dernières années, a été soulignée.

Un échange de bonnes pratiques pour améliorer la visibilité de ces actions et la notoriété de l’AFDMA, en faisant appel à la presse locale, a pu avoir lieu.

Un déjeuner en commun a apporté une touche de convivialité supplémentaire aux échanges.

L’assemblée générale

Elle a eu lieu également le 14 mars 2023, l’après midi, à l’invitation de S.E. l’ambassadeur Hans-Dieter Lucas dans les locaux de l’ambassade d’Allemagne, avenue Franklin Roosevelt à Paris. Elle a réuni une vingtaine de membres, dont trois nouveaux : Mme Brigitte Klinkert, députée, Mme Claude-France Arnould, ancienne ambassadrice et M. le général Wasielewski.

La 1ère partie a été consacrée aux questions statutaires.

Les membres du Bureau ont été réélus et les rapports moraux, d’activité, financiers et d’orientation ont été adoptés à l’unanimité.

L’ambassadeur a ensuite fait part de son analyse de la coopération franco-allemande et de ses perspectives. Une discussion s’en est ensuivie.

La réunion s’est terminée par un moment de convivialité et une réception permettant des échanges informels, à la satisfaction de tous et avec tous nos remerciements.

Un procès verbal de ces deux réunions a été rédigé et adressé à tous les membres par notre secrétaire général O. De Becdelièvre.

Disparitions

La vie de l’AFDMA, ce sont aussi ceux qui la quittent…

En introduction à son rapport moral, le Président Bertrand Louis Pflimlin a eu une pensée particulière pour les membres qui nous ont quittés ces derniers temps : l’Abbé Charles Merand, Rudolf Klemm, Maurice Gelbart, Gilbert Kretschmer, Jacques Tits, et très récemment, Bernard Lallement.

Bernard Lallement était trésorier et membre cofondateur de l’AFDMA.

Diplomate aux multiples talents, passionné de chant choral, il avait créé et dirigé de nombreuses chorales franco-allemandes dans les deux pays, créé et présidé leur Fédération.  Il avait aussi présidé la Fédération des associations franco-allemandes pour l’Europe (FAFA).

Il avait été, entre autres, Secrétaire général adjoint de l’Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ), directeur de l’Institut National de la Jeunesse et de l’Education Populaire (INJEP), adjoint du ministre plénipotentiaire chargé des relations culturelles franco-allemandes (André Bord), membre du Secrétariat du Conseil franco-allemand de défense…

Il était chevalier de la Légion d’Honneur, officier de l’Ordre National du Mérite et, bien sûr, membre de l’Ordre du Mérite fédéral allemand (Bundesverdienstorden).

APPEL / RAPPEL

La vie de l’AFDMA, ce sont aussi les cotisations de ses membres et de ses amis.

Merci de soutenir notre engagement !

Le montant a été fixé pour les membres à 35€, et à 25€ pour les amis en 2022, à adresser par chèque à notre trésorier, Olivier de Becdelièvre,

Secrétaire général de l’AFDMA, 101bis rue Lauriston, 75116 Paris.

Pour tout virement, voici les coordonnées bancaires de l’AFDMA :

Compte n° 08231147386 auprès de la Caisse d’Epargne d’Île-de-France

IBAN : FR76 1751 5900 0008 2311 4738 636.

Site internet www.afdma.fr

Le site internet est régulièrement mis à jour avec des articles d’actualité, souvent rédigés par nos membres, sur l’Allemagne et les relations entre nos deux pays dans le contexte de l’Europe. Voir le « carroussel d’actualité » et « en direct du franco-allemand ».

N’hésitez pas à m’adresser vos articles ou contributions dans le cadre des objectifs de notre association et traitant de l’Allemagne, des relations franco-allemandes et de leur place en Europe.

Page « facebook » de l’AFDMA

Pour mémoire : En plus du site internet «www.afdma.fr », nous disposons d’un outil de communication supplémentaire sous la forme d’une page « facebook », sous l’appellation « Association Française des Décorés du Mérite Allemand ».

Cette page est aussi régulièrement mise à jour et comprend des informations sur la coopération franco-allemande, sur l’Allemagne et sur l’Europe.