Lettre d’information n°40. Octobre 2019.
LA LETTRE D’INFORMATION
sur les relations franco-allemandes et l’Allemagne
N° 40. Octobre 2019.
Rédacteur en chef : Bernard Viale,
Délégué à la « Communication »
Le mot du Président
Chers membres de l’AFDMA, chers amis,
au moment où la France enterre Jacques Chirac, il me plaît à rappeler que c’est l’ancien Président de la République qui a accordé son « haut patronage » à l’AFDMA en 1999, quelques mois après sa création.
En cette rentrée, l’agenda européen et le Brexit se chargent de nous rappeler l’importance d’une coopération étroite entre la France et l’Allemagne pour maintenir une cohésion en Europe et promouvoir les valeurs qui nous tiennent à cœur, face à la montée des populismes : démocratie, liberté et sécurité, progrès économique et social, lutte contre les inégalités.
C’est également l’occasion pour moi de rappeler deux anniversaires d’importance bien différente mais qui comptent pour notre association.
En premier lieu, nous fêterons dans quelques semaines le 30ème anniversaire de la chute du « mur ». En se replongeant dans l’actualité de l’année 1989, nous savons aujourd’hui que cet évènement majeur, qui a été qualifié de « miracle », clôt le 20ème siècle et ouvre une nouvelle ère.
Sans comparaison possible, à l’aune de L’AFDMA, vous avez sous les yeux le 40ème numéro de notre « Lettre d’information » qui fête ses 10 années d’existence. Comme aimait le rappeler notre ancien Président, le Général Brette, nous sommes une « association de militants ».
Dix ans ont en effet passé depuis la parution du 1er numéro. L’actualité, la régularité des publications et la richesse de leur contenu n’ont été garanties que grâce à l’apport de nombreux membres. Je tiens à les en remercier et à vous encourager à poursuivre dans cette dynamique. Je tiens enfin à adresser, à notre rédacteur en chef, Bernard Viale, tous nos chaleureux remerciements et nos sincères félicitations pour le remarquable travail qu’il réalise. Seuls ceux qui ont la responsabilité d’éditer une lettre d’information mesurent le travail que cela représente.
Je veux également en profiter pour remercier tous les membres actifs qui nous permettent, par leurs cotisations, d’assurer sa publication et la vie de notre association.
Alors bon anniversaire, longue vie à notre « Lettre d’information » et bonne rentrée à tous !
Le Président
Général (2s) Bertrand Louis Pflimlin
Sommaire :
- Le mot du Président.
- P.2 : Publications :
- « Allemagne et défense, perspectives européennes en 2019 »
- « Gilets bleus »
- P.8 : Différences culturelles : la réforme des lycées en Allemagne.
- P. 10 : Les manifestations franco-allemandes :
- Le 24 ème festival du cinéma allemand à Paris
- Les conférences et débats de la Maison Heinrich Heine
- P.12 : la vie de l’AFDMA
Publications
« Allemagne et défense, perspectives européennes en 2019. »
Par Olivier de Becdelièvre, Général 2S
Le couple franco-allemand est, à juste titre, considéré comme l’axe majeur de l’Union européenne, et ce d’autant plus que l’éloignement du Royaume-Uni et les prises de positions de plusieurs partenaires rendent difficile, à moyenne échéance, tout autre équilibre. Il convient cependant de prêter attention à certains intérêts propres de la République fédérale, sous-jacents sans doute, mais qui pourraient, du fait des difficultés internes traversées par la France comme par l’Allemagne, revenir au premier plan et menacer l’équilibre du couple, voire le condamner à l’impuissance.
1 – Quelques objectifs de politique étrangère du gouvernement fédéral au travers du Livre blanc 2016.
1.1 – Constantes et inflexions
Le Livre Blanc sur la politique de sécurité et sur l’avenir de la Bundeswehr, publié en juillet 2016 a, en son temps, été largement analysé. Sans surprise, l’engagement de l’Allemagne au sein de l’Alliance atlantique et de l’Union européenne est, comme il se doit, conforté, tandis que le pays affirme devoir, en raison de son poids économique et politique, prendre des responsabilités accrues sur la scène internationale.
Comme dans le passé, l’Allemagne considère ses moyens militaires comme l’une des composantes de ceux dont elle entend disposer pour asseoir sa politique de défense et de sécurité. Leur emploi reste soumis au processus de contrôle parlementaire qui, de facto, en limite la portée.
Sans revenir sur l’analyse générale du Livre blanc, près de trois ans après la publication de ce document de politique générale, certains points paraissent devoir être soulignés, qui touchent aux objectifs et aux intérêts nationaux de notre partenaire.
1.2 – Le prisme de l’intérêt national
Le premier chapitre du Livre Blanc est consacré, en toute logique, aux fondements de la politique de sécurité sous forme d’une sorte d’introspection, ou « auto-perception », suivie d’une définition des valeurs et des intérêts sécuritaires de la République fédérale.
L’Allemagne se définit ainsi comme « une puissance économique majeure qui profite d’un climat social stable, d’une infrastructure de grande valeur, et d’un réservoir de main d’œuvre qualifiée, renforcé par l’immigration. Elle peut, politiquement, s’appuyer sur un réseau étroit de structures bilatérales, européennes, transatlantiques et multilatérales, qui confèrent à son action efficacité et légitimité ».
L’analyse se poursuit en ces termes : « En Allemagne, le bien-être et les revenus du peuple dépendent dans une large mesure des conditions d’un environnement européen et mondial propice ».
Plus loin : « L’Allemagne est étroitement liée aux flux commerciaux et financiers internationaux. (Notre pays) dépend dans une mesure particulière de voies d’approvisionnement sécurisées, de marchés stables ainsi que de systèmes d’information et de communication fonctionnels, dépendance qui continuera de croître. Aussi la compétitivité de l’Allemagne comme pôle de production dépend-elle d’autant plus de la sauvegarde permanente de son avance en matière d’innovation. Le savoir demeure pour l’Allemagne une ressource stratégique ».
1.3 – L’Europe centrale et orientale, influence et rivalités
Ces considérations n’affectent certes pas l’ancrage occidental et les engagements réitérés du pays envers l’OTAN et l’UE, mais prévalent dans sa politique à l‘Est, vis-vis notamment de la Pologne et de la Russie. L’Europe orientale est, peu ou prou, considérée comme une zone d’influence économique, et la Russie comme un partenaire majeur.
Les relations avec la Pologne connaissent des hauts et des bas. Le Triangle de Weimar, forum de discussions entre la France, l’Allemagne et la Pologne fondé en 1991 pour normaliser les relations de voisinage et rapprocher la Pologne de l’OTAN et de l’UE, a pratiquement rempli ces objectifs en 1999. Il poursuit son existence sous la forme de réunions plus ou moins régulières ; il a subi une crise sévère en 2003 lors de l’engagement de Varsovie dans la campagne d’Irak, et a au contraire connu un bref regain d’activité avec la crise ukrainienne en 2014.
Le Triangle demeure essentiellement un forum de dialogue et les relations germano-polonaises, principalement bilatérales, fluctuent au gré des alternances politiques à Varsovie, entre gouvernements plus ou moins ouverts, ou au contraire réfractaires, aux influences de l’Union. La coopération militaire entre les deux pays subit ces contrecoups, bien que l’Allemagne, la Pologne et le Danemark soient les fondateurs et les nations cadres du Corps multinational Nord-Est, stationné à Szczecin, tandis que la coopération germano-polonaise en matière d’armement et d’équipement, conséquence de la cession, par l’Allemagne, d’un lot important (232 exemplaires) de chars Leopard 2A4/A5 surnuméraires, reste active. Ceci étant, la Pologne demeure, pour l’Allemagne, un partenaire économique relativement important (6e fournisseur et 8e client en termes d’échanges), alors que, vu de Pologne, l’Allemagne est, de loin, son premier partenaire commercial.
Autre est la relation avec la Russie, dont l’Allemagne, depuis sa décision d’abandon progressif du nucléaire, dépend largement sur le plan énergétique, et qui entretient avec elle des liens anciens, en dépit des vicissitudes politiques.
La dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie semble inscrite dans la durée, tant pour le pétrole que pour le gaz naturel. Le pétrole couvre environ 32,7 % des besoins énergétiques allemands, et le gaz environ 22,7 %, et la Russie fournit à l’Allemagne 37 % de ce pétrole et 32 % de ce gaz, ordres de grandeurs qui devraient rester stables. La construction de Nord Stream 2, en dépit des oppositions européennes et des menaces de sanctions américaines manifeste la volonté allemande de disposer d’un approvisionnement en gaz russe, bon marché, indépendant des pays tiers et en particulier de l’Ukraine. Les liens du monde politique allemand avec le consortium Gazprom sont avérés.
Ces liens économiques entretiennent l’ambiguïté de la relation germano-russe marquée par une défiance certaine vis-à-vis de la politique du fait accompli de Vladimir Poutine, accusé non sans raison de remettre en cause l’équilibre et les frontières de l’espace est-européen, en même temps que les principes de l’État de droit. Mais la relation germano-russe est, de longue date, marquée par une alternance de périodes de connivence et de répulsion, depuis les partages successifs de la Pologne, l’Europe bismarckienne, la coopération militaire des années 1920 jusqu’à la position particulière de la RDA dans l’ex-bloc soviétique.
La question peut se poser, à terme, de l’évolution de cette relation en cas d’aggravation de tensions que l’Allemagne s’efforce de maîtriser, surtout si des difficultés internes viennent affaiblir le couple franco-allemand, facteur d’équilibre indispensable dans le contexte actuel.
2 – Évolution depuis les élections de 2017 et difficultés de politique intérieure
Les élections du printemps et de l’automne 2017 en France et en Allemagne, avec le renouvellement partiel quasi concomitant des équipes au pouvoir, semblaient de prime abord être une opportunité favorable pour donner le nouveau souffle espéré au couple franco-allemand. Mais la persistance de difficultés internes aux deux partenaires et de sujets d’inquiétude pour l’avenir de l’Union ne constituent pas un contexte favorable.
L’élection du président Macron a été saluée outre-Rhin, comme porteuse de l’espoir d’un nouveau départ de la relation bilatérale, conforté par les indispensables réformes internes annoncées pendant la campagne. Le discours de la Sorbonne du 26 septembre 2017, appel à «la refondation d’une Europe souveraine, unie et démocratique », témoigne de la volonté présidentielle de relancer l’Union au moment où la chancelière Merkel doit former une nouvelle coalition à la suite du scrutin fédéral du 24 septembre.
La « grande coalition » au pouvoir depuis 2013 vient en effet de subir un revers électoral, et les deux partenaires, chrétiens démocrates (CDU/CSU) de la chancelière et sociaux-démocrates (SPD) connaissent un recul historique. Les difficultés qui ont entouré la formation du gouvernement et la réélection de Mme Merkel ont probablement fragilisé sa position sur la scène internationale En annonçant son retrait à l’issue du présent mandat, la chancelière a ouvert la voie à sa « dauphine » Annegret Kramp-Karrenbauer (AKK), qui lui a succédé à la présidence de son parti le 7 décembre 2018, prenant date par la même pour la succession à la chancellerie. Par ailleurs, l’entrée au Bundestag de l’Alternative für Deutschland, résolument eurosceptique, qui devient le premier parti d’opposition, a bouleversé les équilibres traditionnels.
En France, la fin de l’année 2018 est marquée par les troubles sociaux que l’on sait. Ce sont donc deux partenaires en proie à des difficultés sur le plan interne qui ont conclu, le 22 janvier 2019 et avec un an de retard sur le calendrier prévu, le traité d’Aix-la-Chapelle, 56 ans après celui de l’Élysée dont il reprend en les actualisant et, pour certaines, en les renforçant, les principales dispositions. L’amitié, comme la responsabilité de la France et de l’Allemagne au sein de l’Union européenne y sont rappelées, et la coopération entre les deux États est resserrée.
3 – Nouvelle problématique européenne.
Le traité d’Aix-la-Chapelle est certainement nécessaire pour réaffirmer la réalité du couple franco-allemand au moment où l’Union européenne est fragilisée par l’échéance du Brexit et le développement de l’euroscepticisme sous ses formes diverses.
Il ne faut cependant pas se leurrer, et considérer comme le fruit d’un mariage d’amour un couple qui résulte d’un mariage de raison, si ce n’est d’intérêt. L’amitié franco-allemande est une réalité, cimentée par une connaissance réciproque approfondie au travers des échanges et jumelages que l’on n’encouragera jamais assez, alimentée par des réalisations communes, en particulier dans les domaines de la défense et de la sécurité, de l’action diplomatique et de l’éducation, mais les liens amicaux, voire affectifs, ne sauraient fonder durablement une politique.
C’est donc bien un mariage de raison que le général De Gaulle et le chancelier Adenauer ont conclu en 1963 et qui a perduré au gré des circonstances. Il n’est pas inutile de rappeler, à ce propos, la réaffirmation par le Bundestag du lien transatlantique lors de l’approbation du traité de l’Élysée, ainsi vidé d’une partie de sa substance. Ceci étant, les deux partenaires ont su, jusqu’à présent, faire front commun dans les situations délicates, telles que la crise des euromissiles des années 80, le processus de réunification et les décisions d’intervention (ou non) dans les conflits plus récents, dont celui d’Irak en 2003, tandis que les gestes et rencontres symboliques ont contribué à l’affirmation d’une communauté de vues.
Pour que ce mariage de raison perdure dans l’harmonie, il lui faut être équilibré, de sorte que chacun y trouve son compte, et que les perspectives communes l’emportent sur les intérêts divergents. L’Allemagne semble avoir acquis aujourd’hui, au sein de l’Union, un poids prépondérant, en raison de sa puissance propre, de la dynamique où elle entraîne les États « du nord » (Autriche, Benelux, Danemark) ; la France semble plus isolée alors que les États « du sud », en particulier Italie et Espagne, prennent des positions divergentes ou ambiguës. L’Allemagne a, de moins en moins, besoin de s’entendre avec la France et se trouve en position de faire valoir ses intérêts propres au sein de l’Union. De fait, les récentes négociations (avril 2019) sur les modalités et le calendrier du Brexit ont permis à la République fédérale de faire prévaloir sa position, à laquelle les autres partenaires se sont ralliés bon gré mal gré.
Il est, à ce propos, intéressant de noter la volonté allemande de donner le cap à l’Union, quitte à se démarquer nettement, et sans formes excessives, de la vision et des propositions du partenaire français. La position prise par Annegret Kramp-Karrenbauer dans son article du 10 mars 2019 « Faisons l’Europe comme il faut » est une réponse en fin de non-recevoir au projet de « Refondation de l’Europe » développé par le président Macron la semaine précédente dans son adresse « aux citoyens d’Europe ». Le plaidoyer d’AKK pour les États-nations est on ne peut plus clair : « Aucun super-État européen ne saurait répondre à l’objectif d’une Europe capable d’agir. Le fonctionnement des institutions européennes ne peut revendiquer aucune supériorité morale par rapport à la coopération entre les gouvernements nationaux. Refonder l’Europe ne se fera pas sans les États-nations : ce sont eux qui fondent la légitimité démocratique et l’identification des peuples. Ce sont les États membres qui formulent leurs propres intérêts et en font la synthèse à l’échelon européen. C’est de cette réalité qu’émane le poids des Européens sur la scène internationale ».
Autrement formulée, la question est celle de la capacité du couple franco-allemand à exercer une influence commune au sein de l’Union, en surmontant les apparentes ou réelles divergences et querelles de leadership qui se font jour actuellement.
Conclusion.
La volonté de l’Allemagne de jouer sur la scène internationale un rôle à la mesure de sa puissance, et la prise en compte d’intérêts nationaux propres, qui la poussent à s’intéresser davantage à son environnement est-européen, sont de nature à déséquilibrer le couple franco-allemand, fondé sur un mariage de raison même s’il n’est pas dénué d’un facteur affectif.
Le risque que constitue ce déséquilibre est amplifié par la montée des sentiments eurosceptiques et populistes dans une grande partie de l’Union européenne, qui, au-delà des résultats électoraux des différents partis, conduit presque nécessairement à un durcissement des positions et à une compétition pour le leadership européen dans laquelle l’Allemagne, en dépit de ses difficultés, semble la mieux placée.
Si nous voulons conserver l’atout que constitue, pour l’Europe comme pour nos deux nations, l’amitié et la coopération franco-allemande, il parait indispensable d’intensifier les coopérations de « terrain » aux plus petits échelons afin de favoriser, le moment venu, des actions communes de plus grande ampleur.
Olivier de Becdelièvre
Général 2 S
Secrétaire Général de l’AFDMA
Article publié dans le cadre du Cercle de travail du G2S par le site Theatrum Belli.
« Gilets bleus »
Synthèse de l’éditorial de la revue « Allemagne d’aujourd’hui »
Dans l’éditorial de l’actuel numéro de la revue « Allemagne d’aujourd’hui », Jérôme Vaillant, son rédacteur en chef, analyse les résultats électoraux en Saxe et dans le Brandebourg, où l’Alternative pour l’Allemagne (AFD) a remporté des résultats spectaculaires.
L’AFD s’y est présentée comme un parti « bürgerlich » pour passer pour un parti « présentable », tantôt comme l’héritier de la dissidence de 1989 en RDA (« der Osten steht auf »), sans toutefois abandonner ses airs de trublion qui rabat les cartes dans le paysage politique allemand.
Ces élections ont braqué une fois de plus les projecteurs sur l’Allemagne de l’Est et amené à se demander pourquoi l’extrême droite rencontrait un tel succès dans les Länder de l’ex RDA. Les médias reviennent constamment sur deux ou trois raisons majeures : le besoin de reconnaissance d’un électorat qui exprime ses frustrations, les inégalités sociales entre l’Est et l’Ouest ainsi que dans les territoires. Ce sont des ressorts semblables qui ont fait naître en France le mouvement des « gilets jaunes ». L’AFD a choisi le bleu comme couleur de ralliement, les électeurs de ce parti sont les « gilets bleus allemands » ! On retrouve chez eux une forte tendance contestataire et une attirance pour l’extrême droite identitaire, voire pour le radicalisme-nationalisme qui, en Allemagne, conduit au néo-national-socialisme. Tandis que, dans le Brandebourg, les électeurs font valoir qu’ils ont majoritairement voulu exprimer leur mécontentement, la situation est différente en Saxe, où 70% des électeurs de l’AFD déclarent avoir voté par conviction ou par adhésion aux thèses et au projet politique de leur parti.
Pendant la campagne électorale tant en Saxe que dans le Brandebourg, les doléances ont porté sur la mauvaise couverture dans les campagnes des réseaux téléphoniques, le manque d’accès à l’internet, l’insuffisance des transports en commun dans les zones rurales, le manque de médecins, tous sujets que l’on retrouve dans les doléances exprimées par les « gilets jaunes » en France et dans le grand débat qui a suivi. Viennent s’y ajouter les craintes face à la fermeture annoncée des exploitations de lignite dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique.
Tout comme les « gilets jaunes » ont montré des affinités avec le Rassemblement National et les mouvements identitaires en France, les « gilets bleus » ont en leur sein une aile identitaire nationaliste dont la proximité avec le NPD et la mouvance radicale néo-nazie ne peut être contestée (proximité avec « Pegida », ouvertement hostile à l’immigration, l’Islam et la construction européenne).
L’AFD n’a cependant pas réussi à devenir le 1er parti en Saxe et dans le Brandebourg. Elle perturbe le paysage politique mais n’empêche pas la formation de coalitions gouvernementales dans les Länder. Les élections de Thuringe seront un premier test après la déroute des partis dits « établis » en Saxe et dans le Brandebourg, les Verts – qui ont nettement progressé, ce qui n’allait pas de soi dans les Länder de l’Est – joueront un rôle décisif pour orienter l’Allemagne dans un sens ou dans l’autre.
Bernard Viale
N.D.L.R : Le dernier n° de la revue « Allemagne d’aujourd’hui » présente des analyses plus approfondies de ces différentes questions. Nous vous en recommandons la lecture.
- Revue Allemagne d’aujourd’hui : http://www.septentrion.com/revues/allemagneaujourd’hui
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Différences culturelles : la réforme des lycées en Allemagne
En pleine réforme en France, le lycée fait aussi sa révolution sur l’autre rive du Rhin. Depuis une quinzaine d’années, un débat passionnel traverse la société allemande quant à la longueur idéale des études secondaires.Vaut-il mieux passer le bac à 18 ans, ou à 19 ?
Mercredi 26 août. À Hanovre, les jours raccourcissent, les feuilles tombent des arbres et les cartables sont prêts. C’est la rentrée. Dans la cour de l’école Schiller, des visages repus de soleil et de vacances échangent avec énergie. Une pointe d’anxiété perce ici ou là. Mais les collégiens et les lycéens de l’établissement respirent plutôt la détente. Ils le peuvent. Car tous auront du temps devant eux pour suivre tranquillement leur scolarité jusqu’au baccalauréat.
En cette rentrée, la Basse-Saxe est l’un des premiers länder allemands à rétablir pour tous treize années de scolarité obligatoires jusqu’à l’examen final. La Bavière fera de même d’ici à 2024, la Rhénanie-du-Nord-Westphalie à l’horizon 2027. D’autres länder ont choisi des formules à la carte. Tous ont décidé de revenir sur une réforme qui n’en finit plus de faire couler de l’encre dans les foyers et les salles de profs d’Allemagne : la réforme « G8 »/ « G9 ». Entendez « le lycée (Gymnasium) en 8 ans » ou « en 9 ans ».
C’est une particularité (ouest-)allemande. Jusqu’à l’orée des années 2000, la plupart des jeunes allemands fréquentaient les bancs de l’école jusqu’à 19 (voire 20) ans. Du moins pour la forte minorité qui poursuivait ses études jusqu’au bac (la majorité s’orientant vers l’apprentissage). La scolarité s’étendait sur treize ans : quatre années d’école primaire et neuf années dans le secondaire (dans différents types d’écoles, et avec des variations selon les länder). Mais à la fin des années 1990, un doute a commencé à s’emparer des esprits.
Fracture est-ouest
Dans l’Allemagne tout juste réunifiée, il fallut tout d’abord constater que les cinq länder de l’est faisaient bande à part. Ils menaient leurs lycéens au bac en douze ans seulement. C’est un héritage de l’histoire : la durée de la scolarité est passée en Allemagne de douze ans au XIXe siècle à treize ans sous la République de Weimar avant de repasser à douze ans en 1937 pour permettre à Hitler de grossir ses effectifs militaires. Après 1945, la République fédérale et la RDA choisirent des voies opposées. La première revint à la scolarité « longue » de Weimar, la seconde maintint le bac à 18 ans. Après 1990, trois des cinq länder de l’est rétablirent les treize années de scolarité. Pour le reste, on s’accorda simplement sur un nombre d’heures commun jusqu’au bac.
Mais à la fin des années 1990, des considérations nouvelles entrèrent soudain en ligne de compte. Et on commença à s’interroger sur le bien-fondé de ce bac passé à 19 ans, voire à 20… qui menait à une fin d’études encore bien plus tardive. Les jeunes Allemands n’accumulaient-ils pas un retard préjudiciable par rapport à leurs voisins étrangers ? La Sarre fut l’un des premiers länder à agir en réduisant de 13 à 12 ans la durée de la scolarité pour ne pas pénaliser ses lycéens par rapport à leurs voisins… français
Diplômés trop tard
Dans les années 2000, presque tous les länder de l’ouest ont réduit de treize à douze le nombre d’années de scolarité jusqu’au bac. Mais ce qui se pratique de longue date dans l’est du pays et à l’étranger fait des remous. Plusieurs länder ont donc « réformé la réforme »© ZUMA Wire
Peu à peu, les arguments se multiplièrent en faveur d’un tel alignement. Il fallait faire entrer les jeunes Allemands plus tôt dans les études, les cursus d’apprentissage ou le marché du travail, argua-t-on, notamment dans les milieux économiques et politiques. Une question de « compétitivité ». Et une mesure de bon sens qui contribuerait à résoudre d’autres problèmes : en s’insérant plus tôt dans la vie active, les jeunes allongeraient la durée de leur contribution aux caisses sociales, compensant les effets démographiques du vieillissement. Ils sortiraient aussi plus tôt des études, fournissant aux entreprises une main-d’œuvre qualifiée de plus en plus recherchée.
La boucle était bouclée. Entre 2007 et 2016, tous les länder (ou presque) firent passer une réforme instituant les douze ans de scolarité. Une seule exigence fut posée : que la qualité du bac ne pâtisse pas. On conserva donc strictement le même programme en répartissant les heures de la 13e année sur les classes inférieures. Les élèves passent ainsi 12,5 % de temps en plus à l’école, soit 3,7 heures par semaine en moyenne (mais le surcroît d’heures se concentre surtout sur le lycée, contraignant les lycéens à rester au lycée l’après-midi au lieu de finir en milieu de journée).
Fronde contre le « bac turbo »
La réaction ne se fit pas attendre. La réforme suscita une fronde conjuguée des élèves, des enseignants et des parents d’élèves. Plus de huit parents sur dix, selon les sondages, seraient hostiles à ce qu’ils nomment le « bac turbo ». De pétitions en manifestations, ils ont organisé la résistance. Leur grief : cette scolarité accélérée est une source de stress majeure pour les élèves, elle ne permet pas d’approfondir suffisamment les matières et elle prive les enfants de temps pour pratiquer des activités extra-scolaires et pour la vie de famille.
Les élèves des länder de l’est (et les élèves étrangers) soutiennent parfaitement le rythme, sans stress particulier, ni perte de temps de loisirs, rétorquent les partisans de la réforme.
Réformer la réforme ?
Devant le tour très émotionnel pris par la controverse, la plupart des länder de l’ouest ont décidé ces dernières années de faire marche arrière, partiellement ou en totalité. Une solution qui, dénoncent les tenants la réforme, se révèle coûteuse et périlleuse : il faut à nouveau changer les programmes scolaires internes, imprimer de nouveaux manuels et embaucher des enseignants… de plus en plus difficiles à trouver.
Alors que faire ? Des voix se sont élevées pour demander que l’on mette de côté les passions (que ne manquent jamais de provoquer, en Allemagne aussi, les débats sur l’école) pour revenir aux faits.
Si les effets de la réforme sont encore trop récents pour être analysés en détail, plusieurs chercheurs se sont en effet penchés sur la question. Leurs conclusions ne permettent pas vraiment de trancher. Elles montrent que les élèves parviennent en huit ans à un niveau presque équivalent à celui qu’ils atteignaient en neuf ans, mais que les meilleurs élèves profitent nettement plus de la réforme que les autres. Quant au stress et au manque de temps pour d’autres activités, ils dépendraient davantage du climat scolaire de l’établissement et de l’évolution de la société que de la réforme.
Enfin, les premières promotions de bacheliers « G8 » seraient plus nombreux à renoncer à des études universitaires, et plus nombreux à échouer ou à se réorienter une fois à l’université. Mais les jeunes utilisent ce temps pour partir à l’étranger, faire des stages, se chercher…
Est-ouest : au lycée non plus, le débat n’est donc pas clos. Mais peut-être n’a-t-il pas à l’être. Selon plusieurs spécialistes, le vrai débat sur le lycée de demain ne réside pas dans la durée de la scolarité, mais dans son contenu.
A.L.
Les manifestations franco-allemandes
24ème Festival du Cinéma Allemand du 2 au 8 octobre à Paris
Chaque année, au mois d’octobre, une très large palette de nouveaux films allemands sont présentés à Paris au cinéma l’Arlequin, rue de Rennes, à Paris, souvent en présence de leurs réalisateurs.
Conférences et débats à la Maison Heinrich-Heine
Cité universitaire, Boulevard Jourdan, Paris 14ème.
Extraits du programme
Jeudi 17 octobre 2019, 19h30
« 30 ans après la chute du Mur : le point de vue des intellectuels »
Table ronde avec Olivier Guez, Christine de Mazières, Jacques Rupnik, Manuela Waigel et Roman Krakovsky (mod.)
Dans le cadre de la nuit des débats, de la ville de Paris.
Depuis trente ans, on a souvent vu l’actualité et le monde à travers « 1989 ». Y-a-t-il encore une Europe de l’Ouest et une Europe de l’Est ? Comment les intellectuels, notamment ceux de l’Est, voient-ils l’évolution des 30 dernières années ?
Christine de Mazières est rapporteur général de la Cour des comptes et auteure du livre « Trois jours à Berlin ». Jacques Rupnik est directeur de recherche au CERI (Sciences Po.). Michaela Waigel est correspondante de la FAZ à Paris. Roman Krakovsky est maître de conférences à l’Université de Genève.
Jeudi 31 octobre 2019, 19h30
« 30 ans après la révolution pacifique »
Conférence-débat avec Rainer Eppelmann et Hélène Miard-Delacroix (mod.)
En coopération avec la Konrad Adenauer Stftung.
Traduction simultanée.
Pasteur persécuté par la Stasi, Rainer Eppelmann a été l’un des acteurs clés de la révolution pacifique de l’automne 1989. Dernier ministre de la Défense de la RDA, il est actuellement président du Conseil d’Administration de la « Fondation fédérale de la recherche sur la dictature du SED ». Lors de cet entretien avec Hélène Miard-Delacroix, Rainer Eppelmann parlera de la persécution politique en RDA, des derniers jours avant la chute du Mur et du rôle du travail mémoriel pour la démocratie actuelle.
Réservation nécessaire. Tél : 0144161300
Mardi 5 novembre 2019, 19h30.
« Le rôle international de l’Allemagne unie- les effets de la chute du Mur de Berlin »
Conférence de Rupert Scholz, suivie d’un débat avec Christian Makarian et Henri Ménudier.
En coopération avec la Konrad Adenauer Stiftung. Réservation nécessaire.
La chute du Mur de Berlin (9 nov. 1989) et l’Unité allemande (3 oct.1990) sont le résultat des évolutions internes des deux Etats allemands et des réformes en URSS et en Europe de l’Est. L’Allemagne réunifiée a profondément modifié le dialogue franco-allemand, les rapports de force au sein de l’Europe et les conditions de sécurité Est /Ouest.De l’hégémonie redoutée à l’humilité proclamée, quel est son rôle sur le plan international ?
Christian Makarian est directeur délégué de la rédaction à l’Express et éditorialiste.
Rupert Scholz, ancien député et ministre de la Défense (1988-89, CDU), est professeur ém. à la LMU et avocat.
Henri Ménudier est professeur hon. des universités, Paris 3.
Jeudi 25 novembre 2019, 20h30.
« Le terrorisme d’extrême droite – un danger sous-estimé en Allemagne »
Débat avec Annette Ramelsberger et Jean-Yves Camus.
Traduction simultanée.
La violence et le terrorisme d’extrême droite atteignent de nouvelles dimensions en Allemagne. Des propos de haine prolifèrent notamment sur le web contre les migrants et les médias traditionnels. L’assassinat du préfet Walter Lübke (CDU, Hesse) en juin éà&ç n’est que le sommet de l’iceberg et montre que ce phénomène a été longtemps sous-estimé.
Jean-Yves Camus est directeur de l(Observatoire des radicalités politiques (ORAP) de la Fondation JeanJaurès.
Annette Ramelsberger est chroniqueuse judiciaire au journal Süddeutsche Zeitung.
La vie de l’AFDMA
Une nouvelle lauréate du Prix de l’AFDMA à Strasbourg.
Le prix AFDMA a été remis par notre Délégué régional pour le Grand Est (Alsace) Cyrille Schott,
le vendredi 5 juillet 2019, au collège Saint Etienne à Strasbourg, à Mademoiselle Bérénice JOLLY, qui s’est impliquée pendant trois années dans la filière franco-allemande.
Cette jeune femme est reçue à Science Po franco-allemand à Nancy. Elle se distingue par une grande maturité et une sensibilité écologique et sociale. Elle est discrète et curieuse en même temps, prête à s’engager pour des causes du bien commun et de la relation franco-allemande.
Sur la photo, de g. à dte : Stéphanie Coué, professeur d’allemand et d’histoire/géographie section abibac, Bérénice Jolly, Cyrille Schott, Guy Heitz, chef d’établissement.
Remise du Prix de l’AFDMA à Amilly (Loiret, Région Centre)
La remise du Prix et du diplôme de l’ AFDMA par notre Délégué régional, Jacques Ajouc,à Melle Montaine Bonnard a eu lieu au cours du lancement de la fête de l’Europe à Amilly (Loiret) samedi 6 juillet 2019 à 11 h 00.
La sous-préfète et les principaux élus de la circonscription, de la région et de l’agglomération étaient présents, ainsi que le 1er conseiller de l’ambassade d’Italie et les élus de Calcinaïa, Greven et Nordwalde.
Le 1er magistrat d’Amilly, très actif, très européen, s’est montré touché qu’une Amilloise de naissance ait été choisie.
Il a rappelé l’engagement assidu de Montaine Bonnard dans les jumelages entre Amilly et Nordwalde (NRW) et Montargis et Greven (NRW).
Deux nouvelles lauréates du Prix de l’AFDMA à Strasbourg
Elena Thomas, 17 ans
Élève de Première ABIBAC (désormais en terminale ABIBAC) – lycée international des pontonniers – Strasbourg.
Ainsi appréciée par ses professeurs : Toujours disposée à s’engager, elle accompagne chaque projet d’une réflexion très mûre et pertinente et vient de participer à un concours transfrontalier sur le thème de l’environnement. S’est montrée, dans une allocution en allemand, très sensible au changement climatique.
Merve Savas, 18 ans.
Elève de Terminale Bac Pro Commerce (désormais en année de BTS) – lycée polyvalent Jean Mermoz – Saint-Louis (Haut-Rhin).
Ainsi appréciée par ses professeurs : très impliquée dans la section Azubi-Bacpro, cette élève souhaite continuer ses études dans le cadre d’un
apprentissage transfrontalier. Appliquée, volontaire, méritante, à l’écoute, engagée, ouverte, curieuse. A participé activement à la réalisation de
nombreuses activités professionnelles, culturelles et interculturelles. Investissement personnel dans les actions de promotion de la filière
Azubi-BacPro. Il est à noter qu’il s’agit d’un dispositif d’enseignement spécifique, franco-allemand, débouchant sur une attestation de compétences signée conjointement par la Rectrice de Strasbourg et le Secrétaire d’Etat du Bade Wurtemberg.
Les Prix ont été remis 1er octobre 2019 par notre Délégué régional pour le Grand Est (Alsace) Cyrille Schott au Rectorat de Strasbourg. La cérémonie a été co-présidée par Mme Anne-Marie Bazzo, inspectrice d’académie, directrice académique des services de l’Education nationale (DASEN), en l’absence de la rectrice retenue aux cotés du Président de la République en visite à Strasbourg, notamment au Conseil de l’Europe.
En présence des chefs d’établissement et des parents des récipiendaires.
Un nouvel adhérent à l’AFDMA
Olivier Breton, publiciste et dirigeant de sociétés de communication, fondateur et directeur de la publication de la revue trimestrielle « Européens », dans les traces du magazine « Paris-Berlin ». En kiosque depuis le 28 janvier dernier.
Bienvenue et toutes nos félicitations !
Séminaire annuel des membres du Bureau et des Délégués régionaux
Pour mémoire, il aura lieu du 23 au 25 octobre 2019 à Klingenthal, à l’invitation de la Fondation Goethe.
Page « facebook » de l’AFDMA
Pour mémoire: en plus du site internet « www.afdma.fr », nous disposons d’un outil de communication supplémentaire sous la forme d’une page « facebook, sous l’appellation « Association Française des Décorés du Mérite Allemand ».
Cette page est régulièrement mise à jour et comprend, conformément à la mission de l’AFDMA, des informations sur la coopération franco-allemande, sur l’Allemagne et sur l’Europe. Elle permet une interactivité.
Venez nombreux la visiter et nous faire part de vos avis sur les sujets abordés.
APPEL / RAPPEL
La vie de l’AFDMA, ce sont aussi les cotisations de ses membres.
Merci de nous soutenir régulièrement dans notre engagement.
Le montant a été fixé à 35€ pour 2020 à adresser par chèque à notre trésorier, Bernard Lallement, 142 rue Boucicaut, 92260 Fontenay aux Roses.
Pour tout virement, voici les coordonnées bancaires de l’AFDMA :
Compte n° 08231147386 auprès de la Caisse d’Epargne d’Île-de-France
IBAN : FR76 1751 5900 0008 2311 4738 636