Une résistible ascension de l’AfD? L’ancrage électoral et politique de l’AfD

Éditorial du dernier n° d’Allemagne d’aujourd’hui.

Par Jérôme Vaillant

Pour évaluer la place de l’AfD dans le paysage politique allemand d’aujourd’hui[1], nous disposons de données établies, celles des élections échues, et de données fluctuantes, celles des sondages d’opinion qui indiquaient ces derniers mois une continuelle montée en puissance de ce parti dans l’électorat, en particulier dans les Länder de l’est. La révélation en janvier 2024 d’une rencontre qui avait eu lieu en novembre 2023 de groupements identitaires à Potsdam, à laquelle participaient des représentants de l’AfD, a rebattu les cartes et infléchi cette tendance : cette rencontre avait pour objet un projet de « rémigration » visant à l’expulsion massive de migrants mais aussi d’Allemands d’origine étrangère. La tête « pensante » du mouvement identitaire autrichien, Martin Sellner, y avait exposé sa vision de la « rémigration ». La nouvelle a provoqué dans toute l’Allemagne des manifestations répétées de centaines de milliers de personnes contre l’extrême droite et pour la défense de la démocratie[2] : selon un premier sondage de l’INSA le 22 janvier 2024 l’AfD perdait 1,5 point de pourcentage dans les sondages au niveau fédéral[3]. Quelques jours plus tard, le 27 janvier, Emnid ne créditait plus l’AfD que de 19 % des intentions de vote contre 22 % trois semaines plus tôt, chiffre confirmé par Forsa le 30 janvier[4]. Début février, DAWUM indiquait que l’AfD recueillait en moyenne 27,3 % des intentions de vote à l’est contre 15,8 % à l’ouest (voir tableau plus détaillé par Land ci-dessous). À noter cependant que ces pourcentages en baisse représentent malgré tout une augmentation sensible par rapport au résultat de 10,3 % obtenu par l’AfD lors des élections législatives du 26 septembre 2021[5]. Il faudra vérifier dans les mois à venir si cette baisse se confirme et si la direction de l’AfD qui s’est désolidarisée de la rencontre de Potsdam parvient à imposer son point de vue contre les tendances identitaires en son sein et surtout contre l’aile dirigée par Björn Höcke en Thuringe.

Lors des deux premiers week-ends de février, les manifestations ont perduré dans toute l’Allemagne : 150 000 manifestants ont été dénombrés par la police à Berlin (le double selon les organisateurs), des dizaines de milliers à Dresde, Leipzig, Düsseldorf et Hambourg, etc. Ce sont au total plus de 2 millions de personnes qui ont manifesté ces dernières semaines contre la haine et l’intolérance que propage l’AfD et pour la démocratie, un chiffre suffisamment substantiel pour que Der Spiegel se demande si ces manifestations peuvent conduire à la formation d’un mouvement durable capable de stopper l’AfD, de construire ce « pare-feu » (en allemand Brandmauer) l’équivalent de ce que l’on appelait en son temps en France l’« arc républicain » contre la montée du Front national. Le chancelier Scholz y a vu un « signe fort » en faveur de la démocratie, qui, comme le veut la constitution allemande doit être capable de se défendre contre les ennemis de la démocratie (wehrhafte Demokratie)[6]. Il s’agit, en tous cas, du plus important mouvement de manifestations depuis l’unification de l’Allemagne. Et celles-ci n’ont pas seulement eu lieu dans les principales métropoles allemandes mais jusque dans les petites villes où l’AfD a obtenu ses meilleurs résultats, comme par exemple à Freiberg en Saxe. Ce mouvement est formé par environ 1 700 organisations de la société civile allemande dont « Hand in Hand » (main dans la main) et « Fridays for future » (les vendredis pour l’avenir) mais aussi par la centrale syndicale DGB et le syndicat de la fonction publique ver.di ainsi que par le SPD, les Verts, le FDP et Die Linke, la CDU/CSU étant représentée par ses organisations au niveau des arrondissements[7].

Dans une situation à ce point évolutive, toute généralisation serait évidemment prématurée, il faut pourtant tenter d’approcher un phénomène qui inquiète en Allemagne comme dans la plupart des pays européens et du monde, la montée en puissance d’un parti d’extrême droite en Allemagne laissant moins indifférent que dans d’autres pays en raison de son histoire et quand bien même cette progression participerait d’un mouvement qui n’est pas seulement allemand mais largement européen.

Les résultats de l’AfD dans les Länder

Résultats des élections régionales jusqu’en octobre 2023

Source : https://de.statista.com/statistik/daten/studie/320946/umfrage/ergebnisse-der-afd-bei-den-landtagswahlen/ NB : l’AfD n’a pas été autorisée à participer aux élections de Brême vu qu’elle y avait présenté deux listes internes concurrentes, ce que ne permet pas la loi électorale.

Les élections les plus récentes dans les Länder de l’ouest – en Bavière et en Hesse[8] – montrent certes que l’AfD n’est plus simplement un phénomène propre aux Länder de l’est. C’est toutefois dans ceux-ci que l’AfD reste le plus fortement représentée et que sa progression potentielle reste la plus significative, ce qui pose la question de la formation de coalitions de gouvernement dans ces Länder : 34,1 % d’intentions de vote en Saxe, 33,3 % en Thuringe, 29,8 % dans le Brandebourg – où auront lieu en septembre 2024 des élections régionales. Sauf dans le Brandebourg où le SPD dirige une coalition avec les Chrétiens-démocrates et les Verts. Les trois partis de la coalition tricolore à Berlin – SPD, Verts et Libéraux – ne sont crédités que de 3 à 8 % des intentions de vote ! En Saxe-Anhalt et dans le Mecklembourg-Poméranie occidentale où les élections régionales ne sont prévues qu’en 2026, l’AfD est donnée à 33 et 31 %. À cela s’ajoute que l’ancrage dans les Länder de l’est est déjà ancien puisque dans trois d’entre eux sur cinq elle y dépasse les 20 % des suffrages exprimés dès les élections régionales de 1919. Sa progression à l’ouest est plus récente.

Intentions de vote pour l’AfD en comparaison des résultats électoraux

Source : https://dawum.de/AfD/. Page consultée le 12 février 2024.

L’électorat de l’AfD

L’électorat de l’AfD est majoritairement masculin mais il n’est pas particulièrement âgé. En 2017, 16,3 % des hommes avaient voté AfD et seulement 9,2 % des femmes. En 2021 ces chiffres étaient de 13 % et de 7,8 %, la répartition entre hommes et femmes étant sensiblement la même à l’est qu’à l’ouest. Pour ce qui est des classes d’âge, le parti trouve majoritairement ses électeurs parmi les personnes âgées de 35 à 59 ans (13 % en 2021) contre seulement 8 % aussi bien dans la classe d’âge des 18-24 ans que dans celle de plus de 70 ans. Pour ce qui est de l’appartenance socio-professionnelle, une étude de la Bundeszentrale für politische Bildung (bpb) constate que la recherche aboutit à des constats disparates, elle en conclut que les explications monocausales ne sont pas décisives : ni un taux de chômage élevé ni un pourcentage élevé de migrants ne pousserait les électeurs à voter AfD. Ce qui semblerait compter davantage à l’ouest serait le niveau des revenus dans le secteur industriel ; à l’est, l’émigration massive des populations dans les Länder de l’ouest engendrerait un sentiment de déclassement économique et une peur de l’avenir. Ouvriers et chômeurs sont certes surreprésentés parmi les électeurs de l’AfD mais ils ne représentent que 25 % des chômeurs, les trois autres quarts étant des employés, des fonctionnaires ou des indépendants, au sein desquels dominent les personnes ne disposant que de diplômes intermédiaires. Dans sa compilation des résultats de la recherche, la bpb constate que ce qui caractérise l’ensemble de l’électorat AfD est un niveau nettement plus élevé d’insatisfaction que dans d’autres couches de la société et une plus grande proximité idéologique avec l’extrême droite constitutive de l’idée d’appartenir à « un parti hostile à l’establishment » ce qui lui a permis de mobiliser des électeurs jusqu’alors abstentionnistes. Ces études confirment que le ciment de l’électorat AfD est un rejet massif de la politique migratoire des gouvernements et de la politique de bienvenue en faveur des réfugiés[9].

Le cas de la Saxe-Anhalt (2021)

Les études par région confirment la prééminence des hommes dans l’électorat de l’AfD et le diagnostic sur les tranches d’âge les plus sensibles au programme du parti. Lors des élections régionales du 6 juin 2021 en Saxe-Anhalt par exemple, les hommes ont voté AfD à 26 % et les femmes à 16 %. Dans ce Land oriental, l’AfD a, cette année-là, pour la première fois perdu des voix (-3,5 points de pourcentage) ainsi que La Gauche (-5,3 points) au profit de la CDU au pouvoir (37,1 % soit une progression de 7,3 points). Cela a permis au ministre-président sortant Reiner Haseloff de reconduire une coalition avec le SPD et les Verts. Dans ce Land de l’est, le pourcentage de voix des moins de 30 ans pour l’AfD (18 %) a été inférieur au pourcentage de cette tranche d’âge dans l’ensemble de la population alors que dans la tranche d’âge des 30-44 ans, l’AfD a remporté 27 % des suffrages, soit près de 7 points de plus que son résultat global[10]. Pour le chargé des Länder de l’est auprès du gouvernement fédéral de l’époque (Ostbeauftragter der Bundesregierung), Marco Wanderwitz (CDU), les Allemands de l’est subiraient encore, 30 ans après l’effondrement de la RDA, le contrecoup de leur « socialisation pendant la dictature communiste », ce que ne confirme cependant pas le vote des plus de 60 ans. Wolf Biermann et, avant lui déjà, Joachim Gauck, ancien directeur des Archives de la Stasi et ancien Président fédéral (2012-2017), font leur cet argument de M. Wanderwitz pour expliquer que les Allemands de l’Est ne seraient pas « encore arrivés dans la démocratie » et vivraient dans une « zone intermédiaire[11] ».

Pour le sociologue Holger Lengfeld, de l’Université de Leipzig, l’autre explication à savoir que ce serait l’absence de perspectives économiques qui pousserait les électeurs vers l’AfD, n’est pas davantage satisfaisante. Pour lui c’est moins la question des revenus que les problèmes liés à la disparition d’infrastructures publiques (P&T) et commerciales (supermarchés) engendrée par le recul du nombre d’habitants, qui serait en cause. Cela n’est pas sans rappeler les phénomènes de « désertification » en France dans les zones rurales. La peur d’un déclassement géographique serait d’autant plus grande à l’est que de nombreux jeunes, en particulier les jeunes femmes, ont quitté le pays laissant seuls des jeunes gens au faible niveau de qualification, effrayés par les exigences d’une société moderne dans laquelle ils ne parviennent pas à prendre pied. Un indice en serait que l’AfD a remporté le seul mandat direct en Saxe-Anhalt dans la circonscription de Profen (Elsteraue) où la dernière exploitation de lignite à ciel ouvert devra, conformément aux engagements pris par l’Allemagne pour respecter les Accords de Paris, fermer au plus tard en 2038.

Le cas de la Hesse et de la Bavière (2023), la situation dans le Bade-Wurtemberg

En soi, les choses devraient être différentes à l’ouest. En est-il ainsi ? Pour mémoire, le 8 octobre 2023, l’AfD a remporté 14,6 % des suffrages en Bavière et 18,4 % en Hesse soit une progression respectivement de 4,4 et 5,3 points par rapport à 2018. Dans les deux Länder, le parti a pris des voix à toutes les autres formations politiques, en particulier au SPD et à la CDU, mais il aurait surtout mobilisé les abstentionnistes.

En Bavière, les chiffres sont plus contrastés, l’AfD aurait pris autant de voix à la CSU qu’elle aurait mobilisé de nouveaux électeurs (80 000), elle aurait moins attiré d’électeurs sociaux-démocrates mais elle y apparaît, somme toute, comme un parti « attrape-tout » qui rassemble sur lui toutes les tendances de l’échiquier politique, ce qui a conduit sa co-présidente, Alice Weidel, a le présenter comme un « parti de rassemblement populaire » au même titre que les autres partis établis mais qui serait de plus « panallemand[12] ». Forte de ces succès, A. Weidel affirmait la capacité de l’AfD à devenir un parti de gouvernement.

Flux des électeurs vers l’AfD (Hesse)

Peu de temps auparavant, fin septembre, un sondage d’opinion créditait l’AfD de 20 % des intentions de vote dans le Land bien particulier à l’ouest qu’est le Bade-Wurtemberg puisque celui-ci est depuis 2011 dirigé par une coalition formée des Verts et des Chrétiens-démocrates, ayant à sa tête un ministre-président Vert en la personne de Winfried Kretschmann. Avec 22 % des intentions de vote, les Verts y seraient distancés par la CDU (29 %), le SPD obtiendrait 12 % et le FDP, 8 %. Si ce sondage devait se confirmer lors des élections régionales à vrai dire prévues seulement en 2026, on assisterait à un retournement du rapport de forces entre Verts et Chrétiens-démocrates au profit de ces derniers. Les partis de la coalition tricolore à Berlin ne feraient ensemble que 42 % des voix, insuffisant pour créer une alternative, plus toutefois que dans tous les sondages portant sur les intentions de vote lors de l’élection du Bundestag en 2025.

Flux des électeurs vers l’AfD (Bavière)

Les motivations et les choix des électeurs sont plus nets en Hesse qu’en Bavière où la suprématie de la CSU n’est certes plus aussi marquée que dans les décennies précédentes mais où les pertes électorales sont compensées par l’appoint conservateur des Électeurs indépendants (Freie Wähler). L’insatisfaction des deux tiers de l’ensemble des électeurs en Hesse à l’égard de la politique menée par le gouvernement fédéral explique largement les résultats des partis au plan régional. S’il y avait malgré tout 28 % de satisfaits dans l’ensemble des électeurs, il n’y en avait quasiment aucun parmi les électeurs de l’AfD (97 % d’insatisfaits). Parmi les cinq principaux sujets de préoccupation, les sondés indiquaient dans l’ordre : la situation économique, le climat et la transition énergétique, la politique migratoire, la politique de formation et seulement en cinquième position la sécurité intérieure. L’afflux de migrants inquiétait à plus de 90 % les électeurs de la CDU et du FDP et en premier lieu ceux de l’AfD. Alors que les Verts voyaient leurs compétences de plus en plus mal jugées dans leurs domaines privilégiés que sont le climat et la défense de l’environnement, les transports, l’asile et la politique migratoire l’AfD affichait dans ces mêmes domaines un rejet particulièrement marqué et souhaitait un changement de politique ainsi que dans le domaine de la sécurité intérieure. La crainte d’un déclassement économique a été le ciment commun aux électeurs de l’AfD qui surpassent son résultat moyen dans les circonscriptions rurales et les villes petites et moyennes (Odenwald, Fulda, Vogelsberg, Lahn-Dill, Marburg-Biedenkopf, plus particulièrement Wetterau II, avec les villes de Bad Nauheim et de Büdingen, etc.).

Les motivations à l’ouest ne sont pas foncièrement différentes de celles des électeurs de l’est, la résilience de la Hesse face à la montée de l’AfD tient à l’existence à l’ouest d’une offre politique établie de plus longue date, qui suscite encore la confiance[13]. Ainsi, les Verts continuent de s’affirmer dans les villes universitaires du Land. Une analyse semblable des résultats en Bavière fait apparaître les mêmes motivations qu’en Hesse. On notera toutefois que dans ce Land, les électeurs de l’AfD trouvent que la CSU au pouvoir « n’est plus assez conservatrice[14]. » Ceux-ci chercheraient ainsi à établir un parti à droite de la droite, ce que redoutait en son temps son président historique, Franz Josef Strauss, ministre-président bavarois de 1978 à 1988.

Un début d’implantation dans les institutions locales

En juillet 2023, le député AfD de Thuringe, Robert Sesselmann, a été pour la première fois en Allemagne élu Landrat de l’arrondissement de Sonneberg dans le sud de la Thuringe, avec moins de 50 000 habitants le plus petit d’Allemagne. La fonction de Landrat est souvent comparée en France à celle d’un sous-préfet. Il a, en effet, la tâche de faire appliquer les décisions de l’arrondissement, du Landtag et du Bundestag mais, à la différence d’un sous-préfet, il est élu au suffrage universel[15]. R. Sesselmann l’a emporté au 2e tour contre son concurrent chrétien-démocrate[16]. La nouvelle a fait l’effet d’une bombe dans le pays et bien au-delà : l’AfD avait conquis son premier mandat local. L’événement a été suivi de peu par l’élection, également au 2e tour, le 17 décembre 2023, de Tim Lochner, sans étiquette mais se présentant au nom de l’AfD, au poste de maire de la commune de Pirna en Saxe. T. Lochner a été élu à la majorité relative (38,5 %) au terme d’une triangulaire pour laquelle la participation était de 53,8 %[17]. En 2004, la ville comptait un peu plus de 40 000 habitants.

Ce qui pouvait passer pour une irrésistible montée en puissance de l’AfD dans les communes a connu pourtant assez vite un coup d’arrêt qui est sans doute lié aux manifestations contre l’extrême droite que connait actuellement l’Allemagne. Dans l’arrondissement de Saale-Orla le candidat de l’AfD à la fonction de Landrat, Uwe Thrum, donné favori, a perdu le 14 janvier 2024 contre Christian Herrgott (CDU) qui a réuni sur sa candidature 52,4 % des voix contre 47,6 % à son adversaire. Le résultat, bien que juste, est pourtant intéressant vu que la participation avait augmenté d’un tour à l’autre du scrutin de plus de trois points pour atteindre 68,6 % et qu’en Thuringe le chef de file de l’AfD est Björn Höcke, qu’il est loisible de qualifier de néonazi.

Tout un débat porte aujourd’hui sur l’opportunité de priver ce dernier de ses droits civiques au titre de l’article 18 de la constitution allemande[18] – à défaut d’interdire le parti lui-même au titre de l’article 21(2) de cette dernière[19]. Une partie de l’AfD est placée pour son extrémisme de droite sous observation par les offices régionaux de protection de la constitution. Cela justifierait aux yeux de 37 % des personnes sondées son interdiction. 51 % estiment par contre qu’il faut combattre ce parti politiquement et non pas juridiquement, une procédure d’interdiction durant non seulement longtemps mais risquant surtout de provoquer un mouvement de solidarisation pour un parti qui jouerait la victimisation[20]. 16 % des personnes hostiles à une interdiction estiment que l’AfD n’est pas anticonstitutionnelle, ce pourcentage correspond en gros au potentiel des militants et sympathisants convaincus du parti.

Il faut pourtant voir dans ce débat sur l’opportunité ou non d’interdire l’AfD un signe de l’inquiétude croissante qu’engendre la progression de ce parti aussi résistible puisse-t-elle apparaître aujourd’hui. Aussi bien les opposants à l’AfD ne crient-ils pas victoire, ils appellent à se mobiliser dans la perspective des élections à venir. Les réflexes nés en Allemagne de la confrontation au national-socialisme fonctionnent encore, moins sans doute à l’est qui, sous le régime de la RDA, a fait, au nom d’un antifascisme officiel, l’économie dans la société d’une réelle confrontation avec celui-ci. Les élections locales de juin et régionales de septembre 2024 permettront de faire le point. Nous reviendrons sur ces élections comme sur les évolutions de l’ensemble du paysage politique allemand dans un dossier à paraître fin 2024[21].

Jérôme Vaillant, prof.h. de civilisation allemande à l’université de Lille et  rédacteur en chef de la revue « Allemagne d’aujourd’hui ».

Délégué de l’AFDMA pour les Hauts-de-France.

[1]. Pour l’historique des résultats électoraux de l’AfD depuis sa fondation on se reportera utilement à la contribution de François Danckaert dans ce même numéro. Voir également notre étude de l’AfD avant les élections de 2021, datée du 9 février 2020 dans : https://www.diploweb.com/Allemagne-L-AfD-un-parti-d extreme-droite-entre-recherche-de-respectabilite-et-radicalisation.html.

[2]. https://correctiv.org/aktuelles/neue-rechte/
2024/01/10/geheimplan-remigration-vertreibung-afd-rechtsextreme-november-treffen/
 ; voir également : https://www.t-online.de/nachrichten/deutschland/innenpolitik/id_100325480/nancy-faeser-ueber-rechtes-geheimtreffen-erinnert-an-wannseekonferenz.html, pages consultées le 31.01.2024.

[3]. Voir https://www.t-online.de/nachrichten/deutschland/innenpolitik/id_100327208/umfrage-nach-protesten-afd-verliert-an-waehlergunst.html.

[4]. https://www.wahlrecht.de/umfragen/emnid.htm, page consultée le 29.01.2024.

 

[5]. Voir notre dossier « Les élections fédérales du 26 septembre 2021. Bilan et perspectives – Les partis dans les élections » in AA No 238 (octobre-
décembre 2021).

[6]. https://www.spiegel.de/politik/deutschland-wieder-hunderttausende-bei-demonstrationen-gegen-rechtsextremismus-a-df9e64c9-e102-445a-9b63-587218e3007d ; voir également : https://www.tagesschau.de/inland/gesellschaft/demos-gegen-rechtsextremismus-106.html, pages consultées le 4 février 2024. Sur la wehrhafte Demokratie, voir les articles 21 et 79 de la constitution, la Loi fondamentale.

[7]. Voir page du 3 février 2024 : https://www.tagesschau.de/inland/innenpolitik/demonstrationen-gegen-rechtsextremismus-100.html.

[8]. Cf. H. Ménudier, « Les élections régionales en Allemagne en 2023 », in AA No 246, p. 117-124.

[9]. Voir la synthèse remarquable de la bpb : https://www.bpb.de/themen/parteien/parteien-in-deutschland/afd/273131/wahlergebnisse-und-waehlerschaft-der-afd/.

[10]. « Die Wäherschaft der AfD : Jung, männlich, ostdeutsch? » in Zeit online du 10 juin 2021, https://www.zeit.de/news/2021-06/10/forscher-afd-punktet-eher-bei-mittelalten-waehlern, page à nouveau consultée le 04.02.2024.

[11]. Voir également le récent entretien que W. Biermann a accordé à Der Spiegel, No 6/03.02.2024, p. 33-35 : https://www.
spiegel.de/panorama/wolf-biermann-falsche-feinde-sind-gefaehrlicher-als-falsche-freunde-a-d3b6ca1a-e10e-4146-aca4-66bb3c5c4cfc
.

[12]. https://www.faz.net/aktuell/politik/inland/afd-sieht-sich-nach-landtagswahlen-als-gesamtdeutsche-volkspartei-19231653.html

[13]. Voir les analyses faites dès le soir des élections sur la 1re chaîne de télévision (ARD) : https://www.hessenschau.de/politik/landtagswahl/analyse-der-hessen-wahl-2023-wie-es-zum-wahlergebnis-kam-und-was-es-bedeutet-v1,ltw23-wahl-analyse-100.html et l’analyse de la Frankfurter Rundschau : https://www.fr.de/hessen/auswertung-der-hessenwahl-in-diesen-wahlkreisen-erzielte-die-afd-spitzenwerte-zr-92566791.html, pages consultées à nouveau le 04.02.2024.

[14]. https://www.tagesschau.de/wahl/archiv/2023-10-08-LT-DE-BY/umfrage-aktuellethemen.shtml

[15]. https://www.mdr.de/nachrichten/thueringen/sued-thueringen/sonneberg/landrat-afd-sesselmann-wahl-verfassung-100.html

[16]. https://www.mdr.de/nachrichten/thueringen/sued-thueringen/sonneberg/wahl-wahlkreis-zahlen-afd-demografischer-wandel-100.html

[17]. https://www.mdr.de/nachrichten/sachsen/dresden/freital-pirna/wahl-oberbuergermeister-lochner-afd-ergebnis-100.html

[18]. https://www.msn.com/de-de/nachrichten/politik/1,6-millionen-unterzeichner-fordern-grundrechtsentzug-f%C3%BCr-bj%C3%B6rn-h%C3%B6cke/ar-BB1hCq0u

[19]. Art. 21 (2) Loi fondamentale : « Les partis qui, d’après leurs buts ou d’après le comportement de leurs adhérents, tendent à porter atteinte à l’ordre constitutionnel libéral et démocratique, ou à le renverser, ou à mettre en péril l’existence de la République fédérale d’Allemagne, sont inconstitutionnels. La Cour constitutionnelle fédérale statue sur la question de l’inconstitutionnalité. » À noter que la Cour constitutionnelle pour statuer doit être saisie par un organisme institutionnel tel que le Bundestag, le Bundesrat ou le gouvernement fédéral. Depuis 1949 seuls deux partis ont été interdits en Allemagne de l’Ouest, le parti néonazi SRP en 1952 et le parti communiste KPD en 1956. En 2003 la Cour constitutionnelle n’a pas donné suite à la demande du gouvernement fédéral, du Bundestag et du Bundesrat d’interdire le parti néonazi NPD pour des raisons formelles (en raison du rôle joué au sein de ce parti d’agents de l’Office de protection de la constitution). D’aucuns pensaient alors que son interdiction aurait pu ranimer un parti moribond. Voir https://www.bmi.bund.de/DE/themen/verfassung/parteienrecht/parteiverbot/parteiverbot-node.html et Claire Demesmay, Manuela Glaab (éds), L’avenir des partis politiques en France et en Allemagne, Presses universitaires du Septentrion, 2009, https://www.septentrion.com/FR/livre/?
GCOI=27574100353230
.

[20]. Voir ARD-Deutschlandtrend in https://www.tagesschau.de/inland/deutschlandtrend/deutschlandtrend-3414.html, page consultée le 05.02.2024.

[21]. É. Dubslaff, H. Stark et J. Vaillant (sous la direction de), « Les évolutions du paysage politique en Allemagne », in AA No 250, octobre-décembre 2024.